Mission Patrimoine : quel impact pour les lauréats ?

Régnié-Durette : son cru du Beaujolais, sa vue plongeante sur le val de Saône et son église aux deux clochers… Au cœur du village d’un bon millier d'âmes se dresse un édifice dessiné par Pierre Bossan, l’architecte de la basilique de Fourvière. Symbole du cru Régnié, l’église Saint Jean Apôtre, édifiée entre 1867 et 1895, est l’une des plus grandes églises du Beaujolais. 

Mais face à cette imposante construction, force est de constater que le temps a fait son œuvre et fragilisé les pierres, choisies par Pierre Bossan lui-même. Pierres noircies, sculptures dégradées, fissure du porche… la façade ouest est particulièrement dégradée par les intempéries.  « De manière générale sur l’église, on a des problèmes structurels avec des fissures potentiellement importantes » explique Olivier Chanu, l’architecte du patrimoine missionné pour les travaux chiffrés à près de 2,5 millions d’euros pour la restauration globale du site. Avec une difficulté à surmonter : « c’est un édifice qui est entièrement en pierres de taille. Toutes les sculptures ont été réalisées avec une pierre très fragile, qui vient de la Vallée du Rhône, et elles ont été usées et rognées » détaille l’architecte.

Lancée en janvier, la première phase des travaux d’un montant de 380 000 € a été décidée par la municipalité de Régnié-Durette qui pourra compter sur un allié de taille : la Mission Patrimoine portée par Stéphane Bern. Le site est lauréat de l’édition 2024 du Loto du Patrimoine pour le Rhône.

Le Loto du Patrimoine, un jeu à gratter pour sauver nos monuments

Le dispositif naît en 2018 à l’initiative d’Emmanuel Macron. Le Président de la République avait alors missionné Stéphane Bern de récolter des fonds pour restaurer des monuments français en péril. Le Loto du Patrimoine est depuis porté par la Mission Patrimoine, déployé par la Fondation du patrimoine et soutenu par le ministère de la Culture et la Française des Jeux. Il se présente sous forme de tirages de loterie et de jeux à gratter dont une partie des prix de vente sont reversés à la Fondation du Patrimoine qui les redistribue aux sites sélectionnés suivant leur état de péril et l’avancement du projet.

En pratique, la Fondation du Patrimoine ne touche que 75 centimes sur les 3€ que coûte le ticket de Super Loto et 1,52€ du billet à gratter vendu 15€.
D’après la Mission Patrimoine, l’opération aurait permis de récolter entre 22 et 29 millions d’euros selon les années, à répartir entre la centaine de sites sélectionnés.
Après l’Aqueduc du Gier à Chaponost, la Manufacture de Thizy les Bourgs ou encore le Fort de Feyzin, en 2024, le monument choisi dans le Rhône est donc l’église entre Lyon et Mâcon.

« L’ADN de la Fondation du Patrimoine est d’accompagner le patrimoine rural »

Pour Catherine Tardieu, déléguée territoriale de la Fondation du Patrimoine Rhône-Alpes, le nom de Pierre Bossan n’est pas étranger à la sélection du site par la Mission Patrimoine. « Il y a quatre critères de sélection : les critères patrimoine et culturel, l’état de péril et le fait qu’il y ait un impact touristique », assuré ici par l’intérêt des visiteurs à découvrir un lieu qui ressemble à une miniature de la célèbre basilique de Fourvière à Lyon avec son abside arrondie entourée de deux grandes tours marquant l’église dans le paysage ou encore les mosaïques au sol, imaginées par Bossan lui-même. 

C’est un don important d’un mécène local qui a incité la municipalité à engager la première phase de travaux, soutenue par des subventions régionales. Mais les fonds de la Mission Patrimoine seront essentiels pour poursuivre les travaux de l’église qui n’est pas classée au titre des monuments historiques. « L’ADN de la Fondation du Patrimoine, ce n’est pas d’accompagner les monuments historiques mais au contraire d’accompagner tout ce patrimoine rural que les municipalités n’auraient pas, sans la Fondation, les moyens de rénover » complète Catherine Tardieu. Sept ans après le lancement du dispositif, elle constate que l’amour des Français pour leur patrimoine reste intact : « l’année dernière, la Fondation Rhône-Alpes a reversé cinq millions d’euros pour le patrimoine dont 1,4 million de dons de particuliers, sur huit départements seulement » argumente-t-elle. 

La Mission Patrimoine, un modèle qui fonctionne ? 

Si l’église de Régnié-Durette ne saura qu’en fin d’année 2024 de quelle somme elle bénéficiera grâce au Loto du Patrimoine, d’autres sites ont pu avant elle bénéficier du soutien de la Mission Berne. Le premier d’entre eux a été l’Aqueduc du Gier à Chaponost, sélectionné dès 2018 comme lieu emblématique pour la région Auvergne Rhône-Alpes. Il avait bénéficié de 96 000€ de dotations. Mais, plus encore que le chèque, c’est la notoriété qui a vraiment permis au site romain de se relever. L’office de tourisme des Monts du Lyonnais, installé depuis novembre 2023 sur le site du Plat de l’Air, a vu arriver des touristes étrangers venus spécifiquement pour l’aqueduc, là où seuls les locaux le visitaient auparavant. Résultat : la rénovation de ce monument, qui se termine fin 2024, bénéficie à l’ensemble du territoire grâce aux touristes se renseignant à l’office de tourisme. Damien Combet, le maire de Chaponost, annonce par ailleurs la tenue d'un festival de musique dès l'été 2025, l'Aqueduc Festival, pour faire du site un lieu de vie et de festivités.

Entre les murailles du Fort de Feyzin, lauréat en 2022, l’intérêt est tout autre. Avec les 300 000€ reçus, ce sont les toitures du bâtiment d’accueil qui ont été rénovées. Des travaux irréalisables pour ce patrimoine militaire du 19e siècle sans le soutien de la Mission Patrimoine : « C’est une réhabilitation qui est très coûteuse et expérimentale parce que, pour l’instant, il n’y a pas eu encore de rénovation des forts Séré de rivière comme celui de Feyzin. C’est assez particulier parce qu’on parle de toiture mais on est sous un talus de terre d’une épaisseur qui peut aller jusqu’à cinq mètres avec des maçonneries qui n’étaient pas forcément prévues pour être complètement étanches » explique Laurence Chanove, chargée de mission Fort et Patrimoine à la mairie de Feyzin. Après la création du bâtiment d’accueil, du centre équestre et d’un espace séminaire, cette étanchéité des toitures est le dernier acte des rénovations prévues mais « il connaît un peu plus de difficultés parce que malheureusement les subventions publiques ne sont pas au rendez-vous. Heureusement qu’on a la fondation du Patrimoine et la fondation TotalEnergies ». Les travaux sont prévus pour se terminer en 2026 avec la création d’un centre patrimonial. 

Malgré ses limites financières, la mission Patrimoine représente donc un véritable accélérateur pour les sites choisis, qui multiplient les démarches pour se financer. Le projet de restauration de l’église de Régnié Durette a ainsi été présélectionné par Axa, mécène de la fondation du patrimoine, pour obtenir des fonds complémentaires, à condition d’être choisi par le public.

Vous pouvez voter gratuitement pour l’église jusqu’au 3 octobre ici. 

Anaïs Sorce