En janvier, la France commémorera les 10 ans des attentats des 7-8 et 9 janvier 2015. Mais depuis une semaine un malaise plane depuis l’annonce par le gouvernement de l’abandon du projet de musée mémorial du terrorisme voulu par Emmanuel Macron en 2018. C’est un choc pour les porteurs du projet et les associations de victimes du terrorisme.
Sans consultation préalable, le 6 décembre, la décision a été annoncée par Matignon au président de la mission de préfiguration du Musée-Mémorial, l'historien Henry Rousso et à sa directrice Élisabeth Pelsez. L’ancienne déléguée interministérielle à l'aide aux victimes a encaissé le choc : "ça a été pour nous une grande déception, et même un sentiment de colère qu'un projet d'une telle envergure, pour lequel il y a eu tant de choses déjà accomplies, puisse faire l'objet de menaces quant à sa poursuite".
Ce projet de Musée mémorial avait pourtant été annoncé par Emmanuel Macron le 19 septembre 2018 à l’occasion de la commémoration universelle pour les victimes d'attentats. Associées au projet et régulièrement sollicitées pour y contribuer, par exemple dans la rédaction d'un cahier des charges, les douze associations de victimes du terrorisme n'ont, elles, jamais été prévenues.
"On était stupéfaits. C'était la volonté du président de la République. Il s'était engagé justement à nous rappeler l'avancement de ce musée mémoriel. C'est quelque chose qui vient vraiment ébranler, la mémoire de toutes les victimes" déplore Mostafa Salhane, président de l’Association Victimes Attentats (AVA), regroupant des victimes de l'attaque sur le marché de Noël de Strasbourg en 2018.
Le projet avait été estimé à 95 millions d'euros répartis sur huit ans. Le musée devait ouvrir ses portes en 2027 à Suresnes, dans les Hauts-de-Seine dans une ancienne école de plein air de 1934, classée monument historique sur le mont Valérien. L’arbitrage du précédent gouvernement a été justifié aux porteurs du projet par des "coupes budgétaires". "Les motifs budgétaires me paraissent extrêmement minces. Si c'était purement budgétaire, il y avait sûrement moyen de lisser dans le temps, de voir si le projet pouvait être changé d'une manière ou d'une autre pour être moins coûteux. Il y a quelque chose de politique derrière, et c'est là que c'est un peu insaisissable" estime Arthur Désnouveaux, président de l'association Life for Paris, fondée après les attentats du 13 novembre.
L’annonce est forcément dérangeante en plein procès de l’assassinat de Samuel Paty et à un mois des commémorations des dix ans des attentats de Charlie Hebdo, Montrouge et de l’Hyper Casher en janvier 2015. L’incompréhension est d’autant plus grande que le projet était dans la dernière ligne droite. "Les travaux de restauration du lieu devaient commencer en mai 2024. La conception du mémorial était achevée et la première réunion de la commission artistique avait eu lieu. Et enfin, on avait finalisé l'exposition permanente" rappelle Elisabeth Pelsez. 2 000 objets ont déjà été rassemblés pour constituer les collections du musée, des scellés judiciaires, mais aussi des objets ou vêtements donnés par des victimes ou leur famille. Ces pièces incarnent une forte charge émotionnelle.
Le gouvernement a proposé une alternative en proposant d'ériger le futur mémorial national dans le jardin mémoriel conçu par la mairie de Paris pour les victimes des attentats du 13 novembre. Mais l’essence du projet de base n’a rien à voir. "Le mémorial tel que nous l'avons conçu, c'est 50 ans d'histoire du terrorisme et c'est le nom des victimes sur notre sol, décédées sur le sol français, depuis 1974 et le nom des victimes françaises à l'étranger depuis cette même date" rappelle Elisabeth Pelsez. "Ce n'est pas un travail uniquement mémoriel, c'est aussi un travail aussi sur l'histoire de notre société" ajoute t’elle. "Abandonner le projet, c'est se priver d'un lieu unique pédagogie. Les jeunes adultes avaient cinq ans en 2015 et ils sont avides de comprendre. C'est un lieu aussi qui sera un lieu de formation et qui doit devenir un lieu de référence" souligne la directrice de la mission de préfiguration.
Le projet était mené en partenariat avec d'autres musées et mémoriaux consacrés au terrorisme dans le monde, comme celui du 11 septembre à New York. Les porteurs du projet et les associations de victime espèrent désormais obtenir du nouveau Premier ministre, François Bayrou, le maintien du musée mémoriel dans sa forme prévue.
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