Le nombre d’emplois industriels a été divisé par deux en cinquante ans, faisant de la France l’économie la plus désindustrialisée du G7. En janvier, des parlementaires ont d’ailleurs appelé les candidats à la présidentielle à se saisir de cette question pour “réconcilier les français avec l’industrie”. Mais aujourd’hui, nombreux sont ceux qui ne fondent aucun espoir sur les politiques. À l’image des territoires zéro chômeur de longue durée, peut-être que la question de l’emploi doit davantage se régler au niveau local.
Ce lundi 31 janvier débute "Présidentielle : la voix des régions", une série d'émissions spéciales à l'occasion de l'élection présidentielle pour donner la parole aux Français. Du 31 janvier au 8 avril, durant six semaines spéciales, des journalistes du réseau RCF vont sillonner six grandes régions françaises à la rencontre des citoyens, pour entendre leur voix sur des sujets essentiels de la campagne.
Du 7 au 11 février, la Nouvelle-Aquitaine est à l'honneur. Chaque jour dans la Matinale RCF, découvrez un reportage de 7 minutes (à 7h12). Rendez-vous le vendredi 4 février pour une matinée spéciale (de 6h30 à 11h) en direct de Bordeaux.
Dans la Vienne, les fonderies du Poitou sont implantées depuis près de 40 ans à Ingrandes, au nord de Poitiers. Elles sont au nombre de deux, ou plutôt étaient. La fonderie Fonte a fermé ses portes cet été, laissant 300 salariés sur le carreau. En moins d’un an, quatre fonderies automobiles françaises ont fermé en France, ce qui porte à 1000 le nombre de salariés de l’industrie au chômage.
Leurs métiers sont souvent très spécifiques : fondeur, ébarbeur, noyauteur….Et ils ne permettent pas de trouver du travail ailleurs.
Sur les 300 salariés des fonderies Fonte, seuls, 80 ont retrouvé un emploi, les autres “ils restent chez eux” précise Alain Delaveau, ex-secrétaire du CSE des Fonderies du Poitou Fonte. À Ingrandes, ils sont nombreux à rester sur place ‘’quand on a une femme et des enfants, on ne peut pas bouger” rappel Jean-Philippe Juin, délégué CGT aux fonderies Aluminium.
Ce sont plus les politiques qui commandent, c’est les grands patrons
Ce qui domine maintenant, c’est le sentiment de solitude, “ça fait surtout un rejet, explique Alain Delaveau, je veux plus voter, ça sert à rien, certains se retrouvent même dans des positions extrêmes. On vote parce que je suis contre lui”.
Un rejet du politique, dû au sentiment d’abandon. Jean-Philippe Juin des fonderies Alu a vu défiler droite, gauche, centre, “on crie dans le désert". Aujourd’hui, il demande la mise sous tutelle de l’usine pour pérenniser sa reconversion. L’Etat refuse. “Ce sont plus les politiques qui commandent, c’est les grands patrons”. Les fonderies Alu ont jusqu’au 1er mars pour retrouver un repreneur.
Elles sont nombreuses les villes qui ont perdu leurs industries. Parmi elles, Mauléon, connu pour son industrie de chaussures et de tanneries jusque dans les années 70. Aujourd’hui il n’en reste que des vestiges. Pourtant, la ville ne compte que 4.5% de chômeurs, contre 8,1% au niveau national.
Début 2017, après un an de travail, la commune a vu naître une nouvelle entreprise : l’ESIAM. C’est ce qu’on appelle une entreprise à but d’emploi (EBE). Elle a été créée dans le cadre du dispositif territoire zéro chômeur longue durée dont Mauléon a été l’un des pionniers.
Durant la décennie précédente, Patrick Valentin, salarié de l’association ATD Quart Monde, s’est battu pour mettre en place ce dispositif et il y a cinq ans, dix territoires pionniers ont tenté l’aventure partout en France. Objectif : créer une entreprise soutenue par les pouvoirs publics, mais avec un objectif de rentabilité, qui emploierait des chômeurs longue durée en CDI. Plutôt que de verser des prestations sociales sans créer de dynamique de retour à l’emploi, l’État verserait des aides pour aider les chômeurs à travailler. “Une utopie” au départ selon le maire de Mauléon, Pierre-Yves Marolleau qui est depuis devenu l’un des ardents défenseurs et porteurs du projet.
Avec l'emploi, on retrouve sa dignité
Il faut dire que les témoignages sont assez convaincants. Après sept ans de chômage à cause d’une paralysie au niveau du dos, Sébastien a pu retrouver un poste taillé et réfléchi pour lui au sein de l’ESIAM. “Le principal changement, c’est la vision que l’on a de soi… Après sept ans sans travail, vous finissez par vous demander à quoi vous servez. Ce qu’on retrouve, c’est la dignité” témoigne celui qui s’occupe de l’espace couture de l’entreprise.
Même chose pour Sarah, 32 ans, qui a surtout voulu “montrer à ses enfants qu’on peut travailler, qu’on peut s’intégrer, qu’on peut faire quelque chose de sa vie, même sans diplôme”. Elle travaille aujourd’hui à l’atelier bois qui recycle des palettes de bois afin de les revendre aux bons formats aux pépiniéristes de la région.
Toutes les activités développées par l’ESIAM sont non concurrentielles. “L’objectif est de redonner de l’emploi à ceux qui n’y ont plus accès, mais sans détruire le marché de l’emploi qui existe déjà sur le territoire” explique Christophe Boutin, directeur de l’ESIAM.
“Ce qui a changé sur Mauléon c’est que j’entends des habitants dire qu’ils ne pensaient que “ces gens-là” pourraient re-travailler” se réjouit le maire de Mauléon qui présente déjà ce projet comme le plus important mené pendant ses deux mandats d’élu local. Une initiative qui redonne d’ailleurs du sens à son statut. “Encore une fois, une bonne idée est partie de la base et non pas du haut. Si on nous fait confiance, on est capable de construire des solutions” assure Pierre-Yves Marolleau.
Bonne nouvelle, un Territoire zéro chômeur longue durée va voir le jour début février autour de Châtellerault dans la Vienne. Néanmoins, il ne concernera pas directement le secteur des fonderies du Poitou car la zone d’action se limite à une seule entité Mais preuve que les territoires zéro chômeur sont porteurs : ils étaient dix à l’expérimenter en 2017, ils sont actuellement dix-huit officiellement lancés, en décembre 2020, les parlementaires ont voté à l’unanimité l’extension du projet à cinquante territoires et il y a aujourd’hui plus de 150 postulants.
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