Plusieurs plaintes sont en cours pour des pollutions aux PFAS, des produits chimiques complexes peu connus, mais qui font de plus en plus parler d’eux. Ils sont devenus un sujet de préoccupation pour la communauté scientifique, les ONG de protection de l’environnement et les pouvoirs publics.
PFAS : c’est l'abréviation pour les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées. Ce sont des molécules de synthèses complexes et omniprésentes dans notre environnement. Elles sont utilisées par exemple dans les revêtements des poêles antiadhésives ou encore certains pesticides. Ces PFAS sont surnommés les « polluants éternels » car ils ne se dégradent pas dans l’environnement. Donc les plus anciens sont toujours présents et ont tendance même à s’accumuler. On ne sait pas non plus les traiter même si des pistes de recherche existent. Et ces substances sont susceptibles de se diluer dans l’eau ou l’air principales voies de contamination humaine et animale. Les études pour estimer les niveaux d'imprégnation de la population générale sont inexistantes. Mais une enquête a été conduite par Santé Publique France entre 2014 et 2016, le rapport Esteban. Sur un échantillon d’un peu plus d’un millier de personnes, 17 molécules ont été retrouvées dont plusieurs sont aujourd’hui interdites dont PFOA et le PFOS suspectés d'être les plus toxiques.
Toxicité des PFAS en question
La toxicité des PFAS est encore méconnue, mais il y a un faisceau de présomption très clair sur leur impact sanitaire. « Il y a des choses dont on se doute. Sur le fait qu’il a y a des effets sur le métabolisme humain sur le caractère cancérigène de certains produits. On a beaucoup d’informations sur beaucoup de molécules, mais pas assez d’information très précises pour faire des relations directes entre une contamination et un effet sanitaire marquant. Il y a un travail important à mener par les scientifiques » rappelle Alby Schmitt, membre de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable au ministère de l’écologie. (IGEDD).
Il est l’un des co-auteur d’un rapport dévoilé en avril dernier et commandé en mai 2022 par la ministre de l’époque Barbara Pompili sur la situation des PFAS. Parmi les recommandations de ce rapport de l’IGEDD, figure justement la mise en place d’un réseau scientifique et d’un programme dédié, ainsi qu’une identification hiérarchisée des sites potentiellement émetteurs de PFAS, anciens ou actuels.
Une quarantaine de PFAS détectables
L’autre souci, c’est le suivi de ces PFAS. Une quarantaine sont techniquement détectables dans l’eau selon l’IGEDD et une vingtaine sont suivis, alors qu’il existe des milliers de molécules. On sait mal les repérer dans l’air avec des méthodologies qui ne font pas encore consensus. Par ailleurs, jusqu’à peu, il n’y avait pas de normes.
« Aujourd’hui, aucune réglementation européenne ne prévoit d’en mesurer plus d’une vingtaine. Dans l’eau potable en France, on en réglemente pas. C’est seulement l’application d’une nouvelle directive européenne qui imposera d’ici 2026 la surveillance d’une vingtaine de PFAS dans l’eau potable. » relève Alby Schmitt.
Par ailleurs, il n’existe pas de réglementation européenne ni française portant sur les PFAS dans les sols, ni de critères de qualité des sols pour les PFAS. La situation est identique en matière de qualité de l’air.
Colère de riverains
L’un des points chauds des PFAS se trouve à Pierre-Bénite au Sud de Lyon, en bordure de l’A7 et du Rhône. Une longue enquête de notre confrère Martin Boudot pour Envoyé spécial en mai 2022 a montré des taux de PFAS très importants dans cette commune autour notamment des usines Daikin et Arkema. Des molécules retrouvées dans l’eau, l’air, la terre et certains aliments. Thierry Mounib préside l’association Bien Vivre à Pierre-Bénite. Il y a un an, il ignorait tout des PFAS aujourd’hui, il est évidemment inquiet : « Les anciens continuent de cultiver leur potager et de manger leurs légumes. Les autres ne plantent plus que des fleurs et ceux qui ont des poules ne mangent plus leurs œufs ».
Des lignes ont bougé avec le rapport commandé à l’IGDDE et une réaction de la préfecture du Rhône. Les rejets sont placés sous surveillance depuis le printemps dernier avec un arrêté préfectoral pris en septembre 2022. Il prescrit pour Arkema la cessation de l’utilisation de toute substance PFAS d’ici le 31 décembre 2024 au plus tard. Par ailleurs, la préfecture recommande de ne pas consommer les poissons pêchés en aval de Pierre-Bénite et de ne pas consommer des fruits ou légumes cultivés, ni les œufs des poules élevées à proximité.
Plaintes devant la justice
Mais sur place, la colère n’a pas diminué, 10 associations et 37 riverains ont annoncé lundi avoir saisi le tribunal judiciaire de Lyon avec un "référé pénal environnemental". Les plaignants veulent notamment que l’entreprise finance une large étude concernant l’imprégnation dans le temps des populations riveraines. Mardi, l’entreprise indiquait n’avoir pas reçu communication de cette requête et n’était donc pas en mesure de la commenter. Arkema souligne que le site en question « respecte toutes les réglementations quant à ses rejets industriels » avec désormais un système de filtrations.
D’autres plaintes ont été déposée ailleurs en France. Lundi, l’association Générations Futures a annoncé aussi trois contre X pour des faits de pollution des eaux et d’atteinte à l’environnement et aux poissons dans trois régions différentes : la zone de Tavaux dans Jura, Paimboeuf en Loire-Atlantique, Verneuil-en-Halatte et Villers-Saint-Paul dans l’Oise où l’association a fait des analyses qui montrent une forte imprégnation. « On est face à vrai problème environnemental et de santé publique avec un manque d’information et un déficit d’action de l’Etat. C’est un dossier assez énorme qui est en train de s’ouvrir » souligne François Veillerette, porte-parole de Générations futures.
Les associations soulèvent aussi la question de la substitution de certains PFAS interdits, par d’autres molécules dont on ne connait pas plus la toxicité ni les impacts. De son côté, l’IGEDD préconise d’appliquer le principe de précaution sur ces produits. Le journal le Monde avec ses partenaires de l’enquête collaborative internationale « Forever Pollution Project » a publié une cartographie des contaminations au PFAS en Europe avec près de 17 000 sites déjà recensé.
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