Jeudi 11 avril, le Sénat examine une proposition de loi consensuelle pour préserver la filière apicole contre le frelon asiatique. Le texte vise notamment à endiguer la prolifération de l’insecte, en coordonnant mieux les actions locales. Portée par le sénateur du Lot-et-Garonne Michel Masset, la proposition de loi souhaite également instaurer un plan national de lutte contre le frelon asiatique. Pourquoi pose-t-il un problème ? Comment freiner sa prolifération ? Explications
Depuis le début des années 2000, le frelon asiatique s’est implanté dans le paysage apicole et agricole français. En 2020, la quasi-totalité des départements était touchée par le frelon asiatique. Rien qu’en Auvergne-Rhône-Alpes, le nombre de nids découverts en deux ans a doublé : on en comptait 1983 en 2021 contre 3 833 en 2022. Une prolifération dangereuse à la fois pour la santé de l’homme, mais aussi pour la santé économique des apiculteurs.
Signalé pour la première fois en Haute-Garonne en 2004, ce petit insecte à patte jaune, au nom scientifique incongru, Vespa velutina, est, comme son nom vulgarisé l’indique, d’origine asiatique. “On suppose qu’il a été transporté dans un lot de poteries venant de Chine”, raconte Alain Prévost, apiculteur et formateur en apiculture à Libourne en Gironde. Depuis vingt ans, “à partir d’une seule reine fécondée observée dans le département, le frelon asiatique s’est propagé sur l’ensemble du territoire national, et même sur les pays limitrophes”.
À partir d'une seule reine fécondée, le frelon asiatique s'est propagé sur l'ensemble du territoire national
Par nature, le frelon asiatique est attiré par les concentrations d’insectes. “Lorsqu’il développe son nid, il a besoin de beaucoup de protéines”, assure l’apiculteur. C’est donc tout naturellement qui se tourne vers les ruches qui “sont un lieu d’approvisionnement privilégié pour les ouvrières frelons”. Elles viennent ainsi “prélever une grande quantité d’abeilles” afin de développer “leur progéniture”. Aujourd’hui, la filière apicole estime qu’une abeille sur cinq qui meurt dans les ruchers est due au seul frelon. “Il en reste si peu dans la ruche que les abeilles ne passent pas l’hiver”, estime Alain Prévost.
Aujourd’hui, le coût de la lutte contre cette invasion est chiffré à plusieurs millions d’euros tous les ans. Plus encore, “les pertes annuelles pour la filière sont évaluées à près de 12 millions d’euros”, estime l’apiculteur, désemparé. À cela s’ajoute le futur problème de “pollinisation” qui n’est pas assuré ou encore l’enjeu sanitaire. “Le frelon est très dangereux aux abords de son nid et tous les ans, on observe des accidents. Tout cela à un coût”. Pour une fois, c’est bien la petite bête qui peut manger la grosse.
Les plus grands nids de frelons asiatiques peuvent produire plus de 13 000 individus au cours de la saison d'avril à novembre et peuvent contenir jusqu’à 2 000 ouvrières à l’automne. Celles-ci élèvent au moins 500 futures fondatrices. Face à des chiffres qui donnent le tournis, l’éradication complète du frelon asiatique semble désormais illusoire. De plus, l'extermination des frelons asiatiques peut avoir des conséquences néfastes sur l’environnement, car elle perturbe la chaîne alimentaire et diminue la biodiversité. “On a raté le coche”, admet volontiers Alain Prévost qui préfère “endiguer” la bête. “C’est d’ailleurs ce que prévoit la loi”.
Un amendement de la nouvelle proposition de loi qui arrive au Sénat jeudi 11 avril prévoit qu’une indemnité forfaitaire soit ouverte aux apiculteurs ayant subi un préjudice économique imputable au frelon asiatique. Pourtant, victime du frelon asiatique Alain Prévost ne touchera pas un centime de l’Etat français. Il faut que les revenus “reposent principalement sur l’exploitation des ruchers et la vente des produits de la ruche”, détaille-t-il. “Il va falloir serrer les dents quand même”, concède-t-il.
Une éradication complète ? Impossible. Une extermination totale ? Très ambitieux. Les apiculteurs en ont bien conscience. Les sénateurs aussi. Ils demandent donc davantage d'accompagnement des collectivités. Alain Prévost assure qu’aujourd’hui, “c’est décousu, il n’y a pas de cohérence”. Des pièges sont distribués, mais "ce n’est pas suffisant”. La nouvelle proposition de loi devrait permettre une harmonie plus importante dans la lutte contre le frelon asiatique.
Contre la prolifération du frelon asiatique, c'est décousu, il n'y a pas de cohérence
Alain Prévost s'apprête à présenter un protocole particulier pour se débarrasser des frelons asiatiques. Il assure que “plusieurs phases de lutte et plusieurs principes d'action”, pourront aider à changer les choses. “Mettre en place un arsenal de pièges et dispositifs sélectifs aux effets différents et complémentaires installés sur les ruchers en fonction des modes de chasse du frelon et selon ses besoins qui vont évoluer en sucres protéines au gré du développement du nid”, détaille un peu plus l’apiculture, qui se spécialise malgré lui sur le frelon asiatique. “Je considère que l'apiculteur est celui qui dispose du meilleur des appâts”, conclut-il.
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