C’était il y a dix ans, du 9 mai au 11 mai 2013, 12.000 personnes participaient à Diaconia 2013 à Lourdes. Un rassemblement de personnes en situation de grande précarité, de responsables d’Église et de mouvements... Cet événement a durablement marqué l’Église de France. En dix ans, des initiatives se sont multipliées pour faire entendre la parole des pauvres, vivre ensemble et dialoguer d’égal à égal.
Pour ceux qui l’on vécu, Diaconia 2013 restera un événement marquant. 12.000 personnes réunies à Lourdes parmi lesquelles des personnes en grande précarité dialoguant d’égal à égal avec des évêques ou des responsables de mouvements… En août prochain, pour fêter cet anniversaire, les acteurs de Diaconia vont se retrouver dans la cité mariale du 6 au 11 août 2023. Leur objectif sera le même qu’il y a dix ans : célébrer la fraternité.
Le rassemblement qui s'est tenu du 9 au 11 mai 2023 à Lourdes était l'aboutissement d'une démarche de trois ans lancée par une centaine des mouvements d’Église et des congrégations religieuses. L’ambition de départ était de réfléchir sur "la place de la solidarité dans la vie de l’Église et dans la vie chrétienne", se souvient le théologien Étienne Grieu, l'un des initiateurs de Diaconia 2013. Et puis il s’est passé quelque chose d’inattendu.
"Il y a eu des surprises, on peut dire, et les surprises, ça a été je crois la place qu’ont tenue les personnes marquées par la grande précarité au cours de ce rassemblement-là. Et ça je crois que ça a encore beaucoup déplacé les manières de voir, et les manières d’appréhender les choses…" Des personnes de la rue ont pu faire entendre leur voix, échanger sur un pied d’égalité avec des évêques ou d’autres responsables de mouvements catholiques. Et les enseigner.
Considérer la parole des plus pauvres comme décisive, d’un point de vue théologique : voilà comment Diaconia a fait bouger les lignes. "Les personnes en grande précarité, souvent elles sont confrontées à des questions de vie et de mort, rappelle Étienne Grieu. Des fois des questions de mort physique mais souvent des questions de mort sociale, c’est-à-dire des personnes qui n’existent plus aux yeux des autres. Hé bien ces personnes qui sont confrontées quotidiennement souvent à ces questions-là, en fait nous remettent devant une question centrale pour la foi chrétienne qui est la question du salut. Pour eux cette question du salut c’est pas une question théorique c’est une question de tous les jours. En ce sens-là, ils ramènent toute la communauté chrétienne vers cette question centrale pour la foi."
On redécouvre qu’une Église qui laisserait de côté les personnes en grande précarité, ce n’est plus vraiment l’Église du Christ
Pour Étienne Grieu, s’il "n’y a pas de choses spectaculaires qui ont changé" en dix ans, "il y a eu une multiplication de fraternités". Des petits groupes dans lesquels "les personnes marquées par de grandes précarités peuvent retrouver des frères et des sœurs pour partager la parole de Dieu, pour prier, pour partager sur leur vie". "Ça je pense que c’est une bonne nouvelle pour l’Église, ça se diffuse petit à petit mais ça se développe au rythme des disponibilités des personnes qui peuvent accompagner ces personnes en grande précarité pour ouvrir ces lieux de fraternité."
En dix ans, les colocations solidaires avec des personnes de la rue se sont considérablement développées, comme l’Association pour l’amitié (APA), créée en 2006, ou Lazare, née en 2010. "Ce n’est pas peut-être un fruit de Diaconia mais la concomitance est très significative", estime Étienne Grieu. En 2016, est né le mouvement Fratello, destiné à "faciliter les rencontres avec les personnes en situation de précarité ou d’exclusion". Il a été créé dans la dynamique de la Journée mondiale des pauvres, instaurée le 30 novembre 2016 par le pape François. "Ça veut dire que dans l’Église, on ne peut pas oublier les personnes en grande précarité, souligne Étienne Grieu. Et que l’on redécouvre qu’une Église qui laisserait de côté les personnes en grande précarité, ce n’est plus vraiment l’Église du Christ."
Diaconia 2013 a d’ailleurs coïncidé il y a 10 ans avec l’élection de François, le 13 mars 2013. Ce pape qui veut "une Église pauvre pour les pauvres". Les dix ans de Diaconia sont l’occasion de relire son encyclique "Fratelli tutti sur la fraternité et l'amitié sociale", publiée en 2020, où le chef de l'Église catholique invite tout un chacun à devenir "proche de toute personne".
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