L' Autriche, la Belgique, l'Italie et la France : nombreux sont les pays de l'Union européenne où les partis populistes d'extrême droite sont arrivés en tête des votes au Parlement européen. Hasard du calendrier à Strasbourg, un colloque international est organisé les 13 et 14 juin sur les Populismes depuis la création de l'Union européenne en 1992. L'occasion de mieux comprendre cette tendance politique.
L'Autriche, la Belgique, l'Italie et la France : nombreux sont les pays de l'Union européenne où les partis populistes d'extrême droite sont arrivés en tête des votes lors des élections européennes. Hasard du calendrier à Strasbourg, un colloque international est organisé les 13 et 14 juin sur les Populismes et l'Union européenne depuis 1992. L'occasion de mieux comprendre cette tendance politique qui pèse dans l'actualité française suite à la fragilisation de la majorité présidentielle centriste.
Martia Libera est professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Strasbourg, à l'IUT Robert Schuman. Il est aussi titulaire de la chaire Jean Monnet "Information, désinformation et construction européenne", une chaire qui a pour mission l'enseignement et la recherche sur l'Union européenne et la vulgarisation de ses travaux.
RCF Alsace : Qu'est-ce que le populisme ?
Martia Libera : Il faudrait plutôt parler "des populismes", au pluriel. Les populismes, c'est l'histoire d'une tentative de mettre fin à une injustice. Les populistes s'adressent au peuple. Ils partent du principe que la démocratie, telle qu'elle est organisée en Europe occidentale, ne leur donne pas suffisamment de poids, qu'elle est injuste, qu'elle les prive au fond d'un pouvoir plus important. Bref, vous l'aurez compris : les populistes sont très hostiles à la démocratie représentative. Ils opposent volontiers un peuple mythique idéalisé, celui qu'ils aiment, à une élite qu'ils considèrent souvent comme incapable, corrompue, et qui travaillerait en réalité contre le peuple. A la tête de ces mouvements populistes, on trouve toujours un chef charismatique qui imprègne d'ailleurs de sa vision du monde son mouvement politique. Ces populismes vivent sur un certain nombre de craintes et d'angoisses qui traversent les populations : les questions migratoires, les problématiques de déclassement, l'ouverture à la mondialisation. Toutes ces craintes-là nourrissent le populisme. Ils mettent en avant, au fond, l'espoir d'un retour à un passé révolu, mais glorieux.
RCF Alsace : Le populisme est né à la fin du XIXᵉ siècle et il prend plusieurs formes au cours du XXᵉ siècle. A-t-il encore évolué depuis la création de l'Union européenne en 1992 ?
M.L. : Il a évolué, bien sûr par rapport au populisme de la fin du XIXᵉ siècle, qui était lui même déjà très varié. Aujourd'hui, on parle beaucoup de populisme patrimonial. En fait, le populisme n'est pas facilement classable dans l'échiquier politique, contrairement à d'autres partis. Il est ancré à droite comme à gauche. Il est volontiers anti-système, en tout cas à sa création, à la création de mouvements populistes. Il est volontiers aussi syncrétique, c'est à dire qu'il prend des morceaux de programmes à droite et à gauche. Le populisme aujourd'hui, celui en tout cas qui a triomphé lors des dernières élections européennes, est un populisme nationaliste qui vit beaucoup sur le rejet de l'immigration, sur, je l'ai dit, le rejet d'une élite supposée corrompue, sur le retour au fond à des formes de protectionnisme, le retour au fond à une espèce d'idée fantasmée de la nation.
Aujourd'hui, on parle beaucoup de populisme patrimonial.
RCF Alsace : Si le populisme est anti-système, est-il capable de gouverner?
M.L. : En Hongrie, en Slovaquie, en Italie, les populistes sont au pouvoir. Il y existe aussi des populistes au pouvoir dans des coalitions, notamment aux Pays-Bas. On voit donc que le populisme gouverne. On peut d'ailleurs relever un certain nombre de points communs. D'abord, les populistes au pouvoir sont en général assez peu friands des contre pouvoirs. C'est à dire que partout où ils arrivent, ils vont essayer d'avoir sous contrôle la justice, les journalistes. En fonction de leur idéologie, ils peuvent revenir sur un certain nombre de droits fondamentaux et de libertés, que ce soit les questions d'obédience sexuelle, que ce soit les libertés des femmes, que ce soit d'autres formes de libertés encore. Les populismes au pouvoir, oui, ils gouvernent, mais attention : ils ne gouvernent pas dans l'état d'esprit démocratique qu'on connaît en Europe occidentale.
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