Spirituels, conscients du risque d’isolement lié à leur statut diocésain et plus âgés : le profil des hommes qui se préparent en 2024 à devenir prêtres en Alsace correspond à de nouveaux enjeux de formation, dont l'éducation aux médias et à la culture du gratuit font partie.
Il est loin le temps où les immenses bâtiments du 2 rue des Frères jouxtant la cathédrale de Strasbourg abritaient des centaines de séminaristes. 250 ans après sa fondation dans la capitale alsacienne, le séminaire Sainte-Marie-Majeure accueille cette année 14 jeunes hommes souhaitant devenir prêtres dans l’Église catholique d’Alsace, aussi appelés -« candidats au sacerdoce. »
Parmi eux, deux entrent en première année, et certains viennent d’autres séminaires. Il faut aussi noter les sept séminaristes qui vivent leur formation au séminaire Redemptoris Mater, dépendant du Chemin néocatéchuménal dans le quartier de la Montagne Verte à Strasbourg.
Malgré leur baisse significative, les familles chrétiennes restent le terreau privilégié de l’éclosion de la vocation sacerdotale, « ce qui ne garantit cependant pas leur soutien infaillible au choix de leur fils », comme le souligne le père René Fischer, recteur du séminaire diocésain de Strasbourg. Alors que la Conférence des évêques de France notait en 2023 un recul sur l’âge moyen de ces hommes, cette tendance se vérifie à Strasbourg avec une moyenne d’âge qui tourne autour de 26 et 27 ans. La plupart d’entre eux ont ainsi fait l'équivalent d'études au niveau de la licence (trois ans), un seul ayant enchaîné l’année de propédeutique (année de discernement avant l’entrée au séminaire) après son baccalauréat. Recteur depuis 6 ans, le père René Fischer y conclut un changement dans la manière de les accompagner : « Il ne faut pas les traiter comme des enfants ou des adolescents trop vite poussés. Au contraire, il faut les traiter comme des adultes parce que ce sont des adultes qui ont une expérience de la vie. Et c'est peut-être beaucoup plus enrichissant d'ailleurs de ce point de vue. »
Autre point caractéristique de cette nouvelle génération de futurs prêtres : « une foi profondément chevillée au corps et une vie de prière intense. » Le père René Fischer constate ainsi un ancrage spirituel « à l'inverse de ce qu'on a pu connaître à d'autres générations. »
Reste la question de l’isolement du prêtre. En février 2024, le Dicastère pour le clergé au Vatican a envoyé une enquête sur la formation des prêtres. Le « besoin de soutien dans la solitude » en était ainsi fortement ressorti. Face à cette réalité, nombreux sont les jeunes aspirants à la prêtrise à opter pour la vie religieuse ou des associations de prêtres, comme celle de la Communauté Saint-Martin. Faux-problème, d’après René Fischer : "Tous les séminaristes de Strasbourg savent que la vocation d'un prêtre diocésain est une vocation qui conduit à exercer un ministère seul. Ils la choisissent donc sciemment." Preuve en est : un des jeunes venant de la maison de formation de Saint-Martin vient de rejoindre le séminaire de Strasbourg.
L’isolement n’en reste pas moins une préoccupation pour ces futurs pasteurs d’un diocèse à majorité rurale. Quels sont les moyens dont ils pourront se doter pour vivre seuls, mais pas isolés ? "C’est une question à laquelle nous travaillons. Nous essayons de leur faire prendre conscience que ce n'est jamais bon de s'enfermer dans un presbytère, mais au contraire, d'aller à la rencontre des personnes et d'avoir une relation fraternelle, avec ceux qui leur sont confiés un jour, s'ils sont prêtres."
Concrètement, le séminaire dispense des sessions de "formation humaine" dans lesquelles se travaillent la relation. La vie en communauté y participe, ainsi que les étudiants et étudiantes qu’ils côtoient à l’Université (publique) de Strasbourg où ils suivent leurs cours de théologie et de philosophie, selon les règles spécifiques du Concordat en vigueur en Alsace. "Nous encourageons beaucoup ce travail de relation. Cette création de réseau personnel et d’amitiés doit se construire pour permettre une vie équilibrée."
En ce sens, le père Fischer souhaiterait intégrer un accompagnement sur les réseaux sociaux dont il déplore l’utilisation par les séminaristes. « Comme les autres jeunes de cet âge, ils vont malheureusement trop souvent y chercher l'essentiel de l'information, ce qui n’est pas structurant. Nous voulons les rendre attentifs, et leur permettre aussi de savoir les utiliser à bon escient, sans tomber dans les lieux communs qui, malheureusement, sont parfois la spécialité de certains réseaux. Nous en sommes aux balbutiements en ce moment », avoue le prêtre.
La lecture gratuite est essentielle pour ces hommes du gratuit que doivent être les prêtres.
En juillet 2024, le pape François a écrit une lettre sur le rôle de la littérature dans la formation. « Par cette lettre, explique-t-il, je souhaite proposer un changement radical de démarche concernant la grande attention qui doit être portée à la littérature dans le cadre de la formation des candidats au sacerdoce. » Pour le recteur, c’est l’un des enjeux majeurs à développer lors de cette rentrée : "la lecture gratuite est essentielle pour ces hommes du gratuit que doivent être les prêtres."
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