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Recul du trait de côte : pour le chercheur rochelais Eric Chaumillon, face à l'érosion, "on ne défendra pas toutes les côtes"

Recul du trait de côte : pour le chercheur rochelais Eric Chaumillon, face à l'érosion, "on ne défendra pas toutes les côtes"

Un article rédigé par Tanguy Sanlaville - RCF Bordeaux, le 19 février 2025 - Modifié le 24 février 2025
L'invité RégionEric Chaumillon, chercheur au laboratoire Littoral, Environnement et Sociétés

Avec la montée des océans, le rythme de l'érosion des côtes pourrait s'accélérer. En particulier en Charente-Maritime, où le phénomène est intense. On en discute avec Eric Chaumillon, professeur à l'université de La Rochelle et chercheur au laboratoire du CNRS "Littoral, Environnement et Sociétés". 

Eric Chaumillon à son bureau, à l'Institut du Littoral et de l'Environnement. @RCF17Eric Chaumillon à son bureau, à l'Institut du Littoral et de l'Environnement. @RCF17

C'est une découverte qui a dû surprendre les habitants de la Tremblade. Début février, comme le relate France 3, le trait de côte a en effet reculé de sept mètres en une seule nuit près de la commune charentaise-maritime. Un phénomène loin d'être nouveau dans le département, mais qui peut inquiéter couplé au réchauffement climatique et à la montée des eaux.

Pour y voir plus clair, Eric Chaumillon est notre Invité Région du 19 février. Professeur à l'université de La Rochelle, il est également chercheur du CNRS au sein du laboratoire du LIENSs, comprenez "Littoral, Environnement et Sociétés".  

RCF : Comment fonctionne l'érosion des côtes ?

Eric Chaumillon : C'est le recul du trait de côte par rapport à la mer. Sur les côtes sédimentaires, c'est du matériel sédimentaire qui s'en va : souvent du sable, parfois de la vase. On peut aussi avoir de l'érosion sur des côtes rocheuses et ce sont les falaises qui s'écroulent. La différence principale entre les deux, c'est que pour les côtes rocheuses, il n'y a pas de retour en arrière : la falaise s'est effondrée, on ne va pas la reconstruire, alors que le sédiment peut parfois revenir et cela peut être un phénomène seulement temporaire.

Concernant le taux d'érosion assez exceptionnel qu'on peut avoir sur ce territoire, je confirme que la Charente-Maritime, et en particulier les secteurs à côté des embouchures, montre des taux d'érosion parmi les plus forts même à l'échelle du continent européen. C'est-à-dire des érosions qui peuvent dépasser les dix mètres par an en moyenne sur plusieurs années, avec des crises aux taux d'érosion de quarante, cinquante, voire plus de soixante mètres en une seule année.

RCF : A quoi sont dus ces taux si importants ?

Cette dynamique des côtes est liée aux tempêtes et aux vagues, mais aussi à la proximité d'une embouchure : quand on est à côté d'une embouchure, comme celles du Bassin d'Arcachon, de la Gironde et du Pertuis de Maumusson, il y a des mouvements des chenaux, mais aussi des bancs de sable qui, quand ils se déplacent, peuvent laisser la côte s'éroder et être soumise à l'impact des vagues.

Parfois, il y a des mouvements très forts qui sont liés à des bancs qui s'accolent à la côte ou se déplacent par rapport à celle-ci. D'une année sur l'autre, on va ainsi passer de régimes stables à des régimes de forte érosion, parfois même d'accrétion.

RCF : Quelles solutions existent pour endiguer le phénomène ?

Il y a un moyen de lutte qu'on qualifie de gris, ou en dur : on met des enrochements, des digues, des épis ou éventuellement des brise-lames, ce qui se fait peu dans notre région. L'autre moyen, c'est de faire de la défense en souple : on va recharger la plage en sédiments.

Ces solutions fonctionnent plus ou moins bien selon les endroits. Dans les secteurs les plus exposés, ces solutions sont véritablement problématiques parce que cela nécessite un entretien constant, beaucoup de dépenses et il faut vraiment qu'il y ait un enjeu très fort pour qu'on se lance dans ce type de solutions. Il y a des exemples régionaux, comme Lacanau : on s'est lancés dans une défense très coûteuse de ce trait de côte, qui a comme défaut qu'à marée haute, la plage a disparu puisque les vagues viennent frapper la digue.

A un moment donné, il faudra envisager autre-chose. Quand on quantifie le nombre de côtes à protéger, très rapidement on peut montrer qu'on ne défendra pas toutes les côtes. Dans nos recherches, nous montrons que ces littoraux naturels ont de fortes capacités d'adaptation à l'élévation du niveau des mers et des tempêtes. 

Pour que ces capacités puissent se mettre en place, il faut une seule chose : reculer pour laisser de la place à ces écosystèmes littoraux, qui sont des pare-chocs contre les assauts de la mer. Pour autant, reculer ne veut pas dire abandonner les plages : on aura des pratiques déplaçables, des constructions mobiles et saisonnières et éviter à tout prix de bétonner nos côtes. L'enjeu, c'est de ne plus faire certaines erreurs qu'on a pu faire dans le passé et construire trop près des côtes. 

RCF Bordeaux
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
L'invité Région
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