Vendredi 8 janvier, Twitter a suspendu de façon permanente le compte du président des États-Unis, bloquant la diffusion de ses idées avec ses 88 millions d'abonnés, deux jours après l'occupation du Capitole. La décision de Twitter suivi de Facebook et Instagram de fermer les comptes de Donald Trump suscitent une vague d'interrogation dans le monde voire de désapprobation.
Tout d’abord, Twitter et les autres avaient-ils légalement le droit de supprimer le compte de Trump ? Oui car en ouvrant un compte sur ce réseau social, il faut valider des conditions générales d’utilisation et parapher un contrat d’utilisation. On trouve une page qui mentionne une série de règles. Elles excluent, les appels à la haine, à la violence, les insultes ou encore la diffusion de certains contenus. Et en cas de non respect, il peut y avoir sanction.
"Cette question soulève pas mal d'autres sous-questions : est-ce qu’on considère ces entreprises comme des médias ? Elles ne se revendiquent pas comme tel car on pourrait les accuser de censure. Malgré tout, elles sont soumises à des publications qu’elles doivent modérer. Ils sont maîtres chez eux", explique Lionel Tardy, enseignant à la Digital School of Paris.
Twitter et les autres ressemblent à une forme d'espace public mais ils sont régis par le droit privé. Ils considèrent que le président américain avec ses débordements habituels en particulier mercredi dernier a outrepassé les conditions d'utilisation. Mais il n'en reste pas moins que c’est une entreprise privée qui fixe les règles et applique les sanctions en même temps. "Ce qui pose problème, c’est que les réseaux sociaux sont devenus des amplificateurs qui sont incontournables donc laisser à ces géants le droit de vie ou de mort de la parole publique pose un véritable enjeu démocratique. La question se pose de savoir si on peut laisser les plateformes être juges et parties", souligne Constantin Pavléas, avocat spécialisé en droit des technologies de l'information.
En France, le gouvernement français avait tenté en 2020 de réguler la haine en ligne par une loi portée par la députée LREM Laetitia Avia. Le Conseil constitutionnel l'a rejetée en juin au motif qu'elle portait atteinte à la liberté d'expression. Mais si on entend aussi beaucoup les politiques européens depuis ce week-end, c’est qu’il y a un contexte au-delà du cas Trump. "Il faut replacer cette stratégie dans le débat européen du 'digital services act' qui vient remettre à jour la législation sur les contenus en ligne. Le politique trouve ici un argumentaire en or pour porter ce texte qui va accentuer les mesures de censure sur les réseaux", explique Marc Rees, rédacteur en chef de Next INPACT
Reste à savoir quelle forme prendra le futur "digital services act" européen. "Il faudrait qu’on ne laisse pas les plateformes décider elle-même de ce qui est licite et illicite. Il faut qu'il y ait une police des communications électroniques, faite par un acteur indépendant", préconise Constantin Pavléas.
Le secrétaire d'État au numérique Cédric O a affirmé que "au-delà de la haine en ligne, nous avons besoin d'inventer une nouvelle forme de supervision démocratique". Mais il y a aura toujours des trous dans la raquette : "On vous demande de juger des contenus qui viennent de dizaines de millions d’internautes et c’est extrêmement difficile", affirme Marc Rees.
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