C’est un rachat qui a fait couler beaucoup d’encre la semaine dernière : celui de Twitter par le milliardaire Elon Musk. L’homme le plus riche au monde souhaite se servir de cette plateforme pour défendre la liberté d’expression à travers le monde. Un rachat mis en perspective avec l’adoption en Europe du Digital Services Act, qui garantit un espace numérique sûr pour les internautes des 27.
Le 23 avril dernier, l’Union européenne adoptait son Digital Services Act, un document fondateur dans la régulation du numérique au sein de l’Europe. "C’est un accord politique qui vise à instaurer des nouvelles règles pour la responsabilité des plateformes. Nous avions une directive européenne qui date de 2000, sur le commerce électronique. Depuis, nous n’avions pas de texte pour réglementer la responsabilité des plateformes. C’est un règlement, un acte législatif qui s’appliquera directement de la même manière dans les 27 Etats de l’Union européenne. Il n’y aura pas besoin de transposition" explique Constantin Pavléas, avocat spécialisé dans les nouvelles technologies, fondateur et coordinateur du programme droit, numérique et propriété intellectuelle à l’Ecole des hautes études du droit.
L’objectif de ce texte est clair. "Il veut créer un espace en ligne plus sûr. On a pris la mesure que l’Internet a complètement changé. Nous sommes 450 millions d’habitants dans l’Union européenne. 73% de ces habitants effectuent des achats en ligne. Nous avons également les réseaux sociaux. Aujourd’hui, notre présence sur les réseaux sociaux est une nouvelle dimension de notre vie citoyenne, sociale. On s’exprime, mais il y a des abus, de la désinformation, de la manipulation, des contenus illicites, des appels à la haine. On doit avoir un cadre qui règlemente" ajoute-t-il.
Quelques jours plus tard, Elon Musk, PDG de Tesla et de SpaceX, et accessoirement l’homme le plus riche au monde, annonçait son rachat de Twitter pour près de 44 milliards de dollars. Avec un tel rachat, l’homme d’affaires américain entend défendre la liberté d’expression à travers le monde. La volonté d’Elon Musk va-t-elle à l’encontre du Digital Services Act, adopté par l’Union européenne ? Difficile de le dire pour l’instant. "Il va se heurter à ces règles. Sur le papier, il prône la liberté d’expression, un droit fondamental. Nous y sommes très attachés. Mais elle peut comporter des dérives lorsqu’elle appelle à la haine, à la commission d’un crime. Nous ne pouvons pas protéger cette parole. On doit protéger d’autres intérêts. La liberté d’expression s’arrête là où un abus est commis, et ce n’est pas nouveau" lance Constantin Pavléas.
Ce juriste spécialisé en nouvelles technologiques rappelle à ce sujet que la liberté d’expression est un principe fondamental, supérieur aux lois nationales. "C’est un principe reconnu par la Déclaration des droits de l’homme de 1789, par la charte européenne des droits fondamentaux. C’est un principe qui va au-delà des lois nationales. Là où le Digital Services Act va venir nous éclairer et fournir un cadre protecteur pour les internautes, c’est pour les abus. Ce qu’il faut voir, c’est que l’Union européenne imprime une vraie vision du numérique. Elle prend à tour de bras sa responsabilité sur une vision numérique du 21ème siècle. Le DSA sera applicable à tout intermédiaire technique qui propose des biens ou des services aux internautes européens, où qu’il soit dans le monde" précise Constantin Pavléas, qui espère que ce genre de texte deviendra un standard mondial.
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