Le prix Père-Jacques-Hamel 2024 a été décerné ce jeudi 25 janvier en présence de Roseline Hamel, la sœur du prêtre assassiné à Saint-Étienne-du-Rouvray par deux terroristes en 2016, et de N. Kermiche, la mère de l’un des deux assassins. Entre les deux femmes une amitié est née. Elles livrent un témoignage exceptionnel, qui semble à contre-courant dans une société encore marquée par la violence.
Ce jeudi 25 janvier, le prix Père-Jacques-Hamel 2024 a été remis à Lourdes en présence de Roseline Hamel, la sœur du prêtre assassiné à Saint-Étienne-du-Rouvray en 2016. Et de N. Kermiche, la mère de l’un des deux terroristes. Entre elles une amitié est née. Elles ont accepté de répondre aux questions de Philippe Lansac.
Le prix Père-Jacques-Hamel 2024
Ce prix, qui récompense depuis sept ans les journalistes qui mettent en lumière des initiatives de paix et de rencontre interreligieuse, a été décerné à la journaliste Sarah-Christine Bourihane, pour son article "Captive et libre", publié dans la revue catholique québécoise Le Verbe, consacré à Sœur Gilberte Bussière, religieuse enlevée en 2014 au Cameroun par Boko Haram.
Cette année une version italienne du Prix Père-Jacques-Hamel a été créée. Il est décerné à Romina Gobbo, qui a interviewé le médecin congolais Denis Mukwege pour le Messaggero di sant'Antonio.
Un jour, la sœur du prêtre assassiné s’est dit : "Qui peut souffrir plus que moi ? Bien sûr pas de réponse parce qu’une souffrance est une souffrance… J’ai pensé à cette maman et je me suis dit : Mais quelle serait ma souffrance si c’était moi la maman dont l’enfant avait pris ce chemin ? Là c’est une souffrance qui doit être supérieure à la mienne." Dès lors, Roseline Hamel a voulu rencontrer N. Kermiche. Les deux femmes se sont d’abord entretenues par téléphone. Et puis, un jour, Roseline Hamel s’est rendue chez la mère de l’assassin de son frère.
"Pardon" est le premier mot qu'a dit N. Kermiche en voyant Roseline Hamel, en présence de Mgr Dominique Lebrun, l'archevêque de Rouen, qui avait tenu lui aussi à la rencontrer. "Je ne suis pas venue chercher un pardon, a répondu Roseline Hamel, mais pour vous proposer de gérer notre douleur ensemble." Les deux femmes ont pleuré dans les bras l’une de l’autre. "Il y a longtemps que je vous attendais", a dit N. Kermiche.
Et puis elle leur a raconté le parcours de son fils, lui aussi "victime du terrorisme" puisqu’il a été "embrigadé dans cette idéologie". C'était un enfant "qui aimait la vie, il était souriant, il avait des copains et c’était un enfant comme tous les enfants, résume sa mère. Il n’aimait pas trop l’école mais je me disais toujours : C’est un enfant intelligent avec ou sans l’école il s’en sortira !"
Adel Kermiche a basculé en un an, autour de ses 17, 18 ans. "Il a complètement changé, se souvient sa mère, il avait des idées bien arrêtées sur la religion et la façon d’appliquer cette religion, il était catégorique." À deux reprises, ses parents l’ont empêché de se rendre en Syrie, il a arrêté et emprisonné. "Quand j’ai vu mon fils dévier comme ça je me suis dit : Qu’est-ce qui nous arrive ? C’était impossible !... On n’a pas mis au monde un enfant violent. C’était un enfant qui avait un cœur, qui était bon à l’intérieur."
Au moment de mourir, le Père Jacques Hamel a dit : "Va-t'en, Satan !" Il avait "reconnu en ces deux jeunes ce mal qui les manipulait comme des marionnettes, décrit Roseline Hamel, au point de ne plus pouvoir penser par eux-mêmes." Pour la sœur du prêtre assassiné, "ces deux jeunes sont partis libérés de ce mal qui avait emprisonné leurs propres personnalités".
On essaie de se soutenir parce qu’on est toutes les deux victimes du terrorisme
Après l’attentat, et la mort de son fils à 19 ans, N. Kermiche s’est dit que sa vie était "terminée". "On n’est pas du bon côté, on est du côté de l’assassin, on se dit : Mais qui va pouvoir nous pardonner, nous accepter ?" Avec la peur d’aller vers les victimes… Roseline Hamel et N. Kermiche sont deux femmes qui se comprennent. "Ce lien que je partage avec Madame Kermiche est très fort", décrit l'une. "On essaie de se soutenir parce qu’on est toutes les deux victimes du terrorisme, dit l'autre, ça nous porte, ça nous rassure l’une l’autre qu’il y ait encore de gens qui œuvrent pour la paix, le vivre ensemble, le partage…"
Ces deux femmes n’ont pas la même religion mais qui portent un même témoignage de foi. Sept ans après le drame, le terrorisme est toujours présent. La société française est traversée par de fortes tensions. "On est en France, on vit en France, on doit vivre ensemble on n’a pas le choix de vivre ensemble", lance N. Kermiche. "Il faut oser aller à la rencontre de la différence, encourage Roseline Hamel, aller à la rencontre de ces différences c’est mieux connaître l’autre sans juger, sans obligation d’adhérer à ces opinions différentes mais partager le dialogue. Je pense que c’est que comme ça que peut naître l’envie d’une fraternité, d’une humanité…"
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