La Rochelle
Prise pour cible par la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs de Charente-Maritime, la Ligue pour la Protection des Oiseaux se défend. Directeur général de l'association, Cédric Marteau est notre Invité Région du 11 décembre.
C'est un début d'après-midi typique dans le marais d'Yves, en Charente-Maritime... Ou presque. Car cinquante tracteurs y sont rassemblés en ce mardi 3 décembre à l'appel de la FDSEA, la section départementale de la FNSEA, et des Jeunes Agriculteurs 17. Leur cible ? La ferme du Rocher, une petite maison sur la réserve naturelle, qui appartient à la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO).
Les agriculteurs reprochent en effet à la LPO l'accaparement de terres agricoles et leur mauvaise gestion. En conséquence, ils murent symboliquement la maisonnette avec des parpaings. Une action rapidement dénoncée par la Confédération Paysanne, qui condamne des actes "violents", et les membres locaux des Ecologistes, qui reprochent à la FNSEA et aux Jeunes Agriculteurs de se "trompe[r] de cible". RCF a pu échanger à propos de la colère agricole avec Cédric Marteau, directeur général de la Ligue pour la Protection des Oiseaux.
RCF : Quelle a été la réaction de la Ligue pour la Protection des Oiseaux après l'action de la FDSEA et des Jeunes Agriculteurs visant la ferme du Rocher ?
Cédric Marteau : Je crois qu'on partage beaucoup de choses avec le monde agricole. On partage surtout l'enjeu de la protection du vivant : souvent, ils montrent un intérêt pour la nature. Et en même temps, on a certains systèmes de production. Il n'y a donc pas un bloc des agriculteurs, et en face les environnementalistes, on a certains agriculteurs de certaines agricultures qui engendrent aujourd'hui des dégradations non acceptables pour l'environnement.
On partage évidemment leur combat sur le revenu : battons-nous là-dessus, mais ne poussons pas dos à dos nos deux sensibilités ! On est dans le même combat, on doit fonctionner ensemble. On a très mal compris quel était le message en venant attaquer symboliquement ce milieu. On le dénonce : nous n'acceptons pas ce type d'agissements qui visent à intimider, plutôt qu'à proposer des solutions très concrètes aux difficultés que certains agriculteurs rencontrent.
Les agriculteurs vous reprochent notamment l'accaparement de certaines zones.
On pourrait laisser croire dans l'imaginaire qu'une fois que les zones sont protégées, il n'y a pas d'agriculture. Evidemment, c'est tout l'inverse ! Si on veut des milieux vivants, il faut continuer l'élevage avec un plan de gestion compatible avec la protection du milieu. Nous avons notamment un éleveur sur le marais d'Yves qui fait pâturer ses vaches, puisque l'enjeu, c'est surtout de maintenir les prairies.
Encore une fois, laisser croire auprès de la population qu'une fois qu'une réserve naturelle est créée, il n'y a absolument pas d'activité, c'est une ineptie. Une réserve naturelle ne veut pas dire une mise sous cloche incompatible avec les activités économiques. La dénonciation qui a lieu au marais d'Yves n'a pas lieu d'être et j'invite chacun à venir visiter ces réserves naturelles.
Sur quels critères fonctionne l'attribution des terrains ?
Elle fonctionne sur les critères de compatibilité du site. Quand vous êtes dans un coeur de nature, comme sur Yves, la réglementation ministérielle fixe des cahiers des charges, qui inclut par exemple les périodes de fauche, afin d'éviter qu'elle ne se fasse au moment de la reproduction des oiseaux, ou l'utilisation ou non de produits phytosanitaires.
Ensuite, il est envoyé à l'ensemble du monde agricole via les Chambres d'agriculture et il est présenté en commission. Dans le cas d'Yves, il n'y avait qu'un seul candidat, donc le dossier a été vite choisi et il respectait l'ensemble du cahier des charges. Il y a également un suivi avec l'éleveur, puisqu'on travaille en collaboration avec les éleveurs. Ce sont des partenaires, on les rencontre mensuellement, parfois de manière hebdomadaire, pour les accompagner et voir les difficultés qu'ils peuvent rencontrer.
Des rencontres ont-elles été organisées avec les agriculteurs pour évoquer ces questions ?
Les rencontres sont permanentes, on fait des rencontres au niveau national, mais aussi au niveau local. Nous participons dans les commissions d'attribution des terres, où on a eu une voix. Ces commissions regroupent souvent plusieurs dizaines de personnes. On rencontre aussi les éleveurs locaux avec qui nous travaillons, notamment dans les terrains qui sont confiés soit par l'Etat, soit par le Conservatoire du Littoral. Nous n'en sommes pas propriétaires, c'est l'Etat qui attribue les marchés.
Il y a aujourd'hui des élections des Chambres d'agriculture [en janvier 2025, NDLR] ; on sent bien que le message est très politique, mais ne nous trompons pas de cible ! L'enjeu, c'est le revenu pour le monde agricole, c'est la transformation du monde agricole pour la protection d'un bien commun, qui est entre autres l'eau potable et qui sont plus globalement les écosystèmes vivants. Marchons ensemble pour aller plus loin, et surtout ne pas prendre le mur si nous ne changeons pas nos modes de fonctionnement.
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