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Urgences, hôpitaux, médecins : pourra-t-on se faire soigner, cet été ?

Un article rédigé par Clotilde Dumay - RCF, le 20 mai 2022 - Modifié le 20 mai 2022
Le dossier de la rédactionUrgences, hôpitaux, médecins : pourra-t-on se faire soigner, cet été ?

L’arrivée du Covid-19 n’a fait qu’empirer une situation déjà dégradée. Entre découragement du personnel, fatigue, manque de reconnaissance et de moyens, c’est l’été de tous les dangers pour le système de santé.

Ambulanciers prenant en charge un patient. ©UnsplashAmbulanciers prenant en charge un patient. ©Unsplash

Vont-ils avoir des vacances, et pouvoir surfer sur d’autres vagues que celles de l’épidémie de Covid-19 ? Entre ceux qui démissionnent après deux ans de crise sanitaire, et ceux qui voudraient simplement prendre quelques jours de repos, les hôpitaux craignent de manquer de soignants, particulièrement cet été. "On se demande qui va rester, confie Maxime Gautier, urgentiste à l’hôpital Lariboisière, à Paris. On est en sous-effectifs. Certains partent car notre métier ne fait plus rêver : nous sommes mal payés, mal managés, souvent considérés comme un pion qui peut être déplacé pour remplir un planning puisque les équipes d’encadrement sont aussi débordées par la recherche permanente de personnels pour remplacer les arrêts maladie causés par la fatigue."

 

Des services d'urgence limitent leur accès la nuit

 

Résultat : certains services commencent à tourner au ralenti. À Bordeaux, les urgences de l’hôpital Pellegrin régulent, depuis mercredi 18 mai, leur fonctionnement la nuit. À cause du manque de personnel, les patients doivent désormais composer le 15 et être orientés par le Samu pour y accéder. "On avait alerté l’administration, indique Alain Essebar, le secrétaire général de la CGT au CHU Pellegrin. Les gens ne veulent plus travailler à l’hôpital car ce n’est plus attractif. Ce sera compliqué cet été, d’autant que nous sommes dans une région touristique."

 

Un retour des soignants non-vaccinés contre le Covid-19 ?

 

À l’échelle nationale, le Pr Rémi Salomon estime qu’il y a un "risque imminent de rupture d’accès aux soins", et n’exclue pas un recours au plan blanc. "Il permet de rappeler les soignants sur leurs congés et de mobiliser tout le monde rapidement", reconnaît le président de la Conférence des commissions médicales d’établissement de CHU. Plusieurs établissements ont déjà opté pour cette solution. Mais il faut "éviter d’en arriver là", estime le Pr Salomon, qui propose dans l’immédiat de mieux rémunérer le travail de nuit et de week end, pour mobiliser les troupes cet été. En revanche, pas question de réintégrer les soignants non-vaccinés contre le Covid-19 : "On pourrait avoir une nouvelle vague, donc les raisons qui ont mené à cette obligation vaccinale persistent", affirme-t-il.

 

La médecine de ville également en difficulté

 

De son côté, Frédéric Valletoux, le président de la Fédération hospitalière de France, demande aussi une obligation de garde pour les médecins libéraux, pour qu’ils participent à l’effort. "Au 31 décembre 2021, les week end et jours fériés, 96% du territoire français était couvert par des gardes, répond Luc Duquesnel, président des Généralistes de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). Les médecins qui ne participent pas à la permanence des soins sont sur des territoires où, par exemple, dans les grandes villes, il y a SOS Médecins. Les agences régionales de santé ont supprimé les gardes qui étaient superposées à celles de SOS Médecins, pour ne pas avoir à payer deux astreintes. Alors, si on veut les envoyer travailler dans les services d’urgence, je suis un peu surpris. Ces médecins, qui travaillent entre 50 et 57 heures par semaine, ne récupèrent pas après leur garde, comme les médecins salariés à l’hôpital."

 

L’inquiétude pour cet été gagne donc, aussi, la médecine de ville. "Le nombre de généralistes diminue tous les ans, mais il y a toujours autant de demandes de soins, souligne Luc Duquesnel. Cet été, certains médecins vont partir en vacances, et ceux qui resteront vont devoir répondre aux demandes de leurs patients et de ceux qui sont partis en congés. En plus, avec les services d’urgence qui ferment la nuit, des patients se reportent vers les médecins." 

 

"Mieux coordonner les acteurs de la santé"

 

Le président des Généralistes-CSMF pense à une solution, mais elle ne devrait pas résoudre les difficultés à court terme. "Il y a ce projet de Services d’accès aux soins (SAS), qui devrait être mis en place dans chaque département, explique Luc Duquesnel. Cela permettrait de prévoir une organisation pour prendre en charge les patients qui n’ont pas de médecins traitants, et répondre à des demandes urgentes non programmées. Cela résoudrait une partie de la problématique de l’accès aux soins. Mais aujourd’hui, on butte sur des mesures organisationnelles et de rémunérations qui sont inacceptables pour les médecins généralistes."

 

Le Pr Rémi Salomon imagine, lui aussi, des solutions à plus long terme. "Il faut prévoir des perspectives pour ceux qui restent, estime-t-il. Réfléchir aux conditions de travail, avoir des effectifs suffisants, investir dans les hôpitaux. Et puis, il faut mieux se coordonner avec les différents acteurs de la santé : hôpitaux publics et privés, médecine libérale." Une chose est sûre : l’état du système de soins fera partie des priorités du futur ministre de la Santé.

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