Le paradoxe de l’estime de soi, c’est que pour en avoir, il faut aller vers les autres. Médecin psychiatre, Christophe André a accompagné pendant de longues années des personnes anxieuses, dépressives, avec souvent une très faible estime d’elles-mêmes. Il nous livre ses observations sur le narcissisme et la confiance en soi.
Le psychiatre Christophe André est bien connu pour ses livres et ses émissions radiophoniques. On lui doit notamment d’avoir initié la méditation de pleine conscience, comme une pratique thérapeutique. Il publie "S'estimer et s'oublier" (éd. Odile Jacob, 2024) : en près de 25 ans, c'est le troisième livre qu'il consacre à l’estime de soi. Un sujet qu'il "aime beaucoup", convient-il. Quand, en 1999, il avait publié avec François Lelord "L'Estime de soi : s'aimer pour mieux vivre avec les autres", il faisait partie des premiers en France à parler d’estime de soi. Dans "Imparfaits, libres et heureux - Pratiques de l'estime de soi" (2006) il encourageait à être bienveillant avec soi. Aujourd’hui, il s’appuie sur les données scientifiques récentes et apporte une réponse à la question : "Comment expliquer que la pratique de la méditation ou que la pratique de l’altruisme améliorent l’estime de soi ?"
Pourquoi faudrait-il "s’estimer" autant que "s’oublier" soi-même, si l’on en croit le titre de son livre ? "Notre époque me semble bien narcissique, bien égoïste, bien égotiste", constate Christophe André même s’il y a "aussi beaucoup de générosité, beaucoup d’élan vers les autres"… Or "le narcissisme ne relève pas d’une bonne estime de soi", explique le psychiatre.
"Les narcissiques ont mal à l’égo, ce sont des gens insécurisés qui veulent à tout prix qu’on les admire, être supérieurs aux autres." Ne pas avoir une bonne estime de soi, cela fait souffrir. Et la souffrance conduit toujours au repli sur soi. "Ça fait souffrir de ne pas s’estimer, on a toujours l’impression de ne pas être avec soi." À l’inverse, travailler sur l’estime de soi, ce n’est pas du narcissisme.
Ce que doivent comprendre les humains c’est que leurs cerveaux sont une machine à comparer
Pour Christophe André, l’estime de soi est "le résultat de la manière dont je me vois, dont je me juge et dont je me traite". Le dernier point étant "le plus important", précise le psychiatre. "Comment je réagis quand j’ai réussi quelque chose, est-ce que je bombe le torse ou est-ce que je reste calme ? Comment je réagis quand j’échoue est-ce que je me maltraite, est-ce que je me fais du mal ?"
D’où vient l’estime de soi ? Est-ce une question de génétique, d’éducation, de la société ? Un peu des trois répond l’expert, ce qu’il appelle "le biopsychosocial : un peu de biologie, beaucoup de psychologie et pas mal de sociologie". L’éducation "pèse très lourd", plus que la génétique, dans l’estime que l’on porte à soi-même. "Est-ce que mes parents m’ont sécurité affectivement ? Est-ce qu’ils m’ont valorisé sans trop me valoriser ?"
Dans notre société, on a besoin d’un minimum d’estime de soi pour "nous permettre d’affronter la vie, la recherche d’un métier, la recherche d’un partenaire sentimental, le fait de se faire des nouveaux amis, des nouveaux collègues de travail…" Or, notre société peut "mettre des pressions terribles sur l’estime de soi". Car nous passons notre temps à nous comparer. "Ce que doivent comprendre les humains c’est que leurs cerveaux sont une machine à comparer", explique Christophe André. Pour lui, on ne peut pas ne pas se comparer de même que l’on ne peut pas ne pas respirer ou ne pas penser. Toute la question est de savoir ce que l’on fait de ces comparaisons.
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Le paradoxe de l’estime de soi, c’est que pour en avoir il faut aller vers les autres. Certes, la connaissance de soi et la méditation par exemple peuvent aider. Mais le psychiatre encourage à "observer les autres, faire du bien aux autres, admirer les autres, avoir de la compassion, être altruiste". Lui qui a écrit deux ouvrages avec ses amis Matthieu Ricard et Alexandre Jollien, véritable odes à l’amitié, accorde une grande importance aux relations de longue durée. Au fait de "rester en lien avec les gens même si par moment ils nous déçoivent même si par moments ils nous font du mal".
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