Pouvoir jouer. C'est l'un des droits fondamentaux inscrits dans la Convention Internationale des Droits de l'Enfant. Mais justement, en quoi c'est nécessaire pour son développement ? Comment retrouver le temps de jouer en famille ? A l'approche de Noël, on rentre dans le jeu avec Adrien Blanc, psychologue clinicien, Lydie-Lise Randon et Lucille Perrin, co-fondatrices du lieu d'accueil et de loisirs "Cabanes" à Lyon et Marie-Laure Pornon, membre de la ludothèque Kidijeux en banlieue lyonnaise.
Qu’est-ce que le jeu ? En termes étymologiques, le mot vient du latin jocus, qui signifie plaisanterie, jeu en parole. Et ludus, soit "jeu en acte", qui a donné ludique, ce qui permet de s’amuser. Point commun : la mise en relation. "Car pour avoir ce trait d’humour, cela implique d’avoir une autre personne." souligne Adrien Blanc. Le jeu, une forme donc de lien avec le monde extérieur, qui, complète le psychologue, "nous connecte avec notre monde intérieur et permet de vivre autre chose, de découvrir des expériences et ressentir plein d’émotions, avec énormément de sérieux, mais sans les mêmes conséquences qu’on aurait dans la vraie vie. »
Toucher, goûter, sentir un objet, autant de sens utilisés par un bébé pour se construire une première représentation du monde. Mais comment naît le jeu ? "En fait" explique Adrien Blanc, "on commence à jouer quand on se rend compte que cette représentation peut être un peu inattendue, aléatoire." Exemple d’un cube lancé mille fois par terre et ramassé- patiemment - par les parents. Le cas aussi du fameux "coucou caché" où l’adulte dissimule son visage avec les mains. Une façon pour l’enfant d’apprendre la notion de séparation (temporaire !), mais aussi le principe de répétition, qui crée une certaine sécurité. Enfin la surprise quand le parent raccourcit ou prolonge le "caché", pour le plus grand plaisir du nouveau-né !
Développer l’imaginaire, la créativité, l’autonomie. Autant de vertus du jeu, qui peut aussi servir d’exutoire quand les émotions débordent. Une fonction utilisée en psycho thérapie. Ce qu’a pu aussi constater Lucille Perrin, co-fondatrice de Cabanes : "les enfants peuvent rejouer des scènes à l’école, où ils ont été frustrés ou embêtés. Et en les observant, nous encadrants ou parents, allons pouvoir comprendre pas mal de choses."
Le jeu, également outil de socialisation, en apprenant à être ensemble et partager. Ce qui peut provoquer des frictions quand on veut le même jeu ou jouet. "A Cabanes, c’est plutôt rare." assure Lydie-Lise Randon, autre fondatrice du lieu. D’abord par la diversité des jeux proposés, mais aussi en votant ! C’est le cas des clubs des mercredis de vacances scolaires, où ce sont les enfants qui fixent eux-mêmes les règles et le choix de l’activité lors d’une assemblée. Une manière ludique de découvrir la démocratie !
Jeu que l’on invente, mais aussi jeux plus directifs, comme les jeux de carte ou de société. Là aussi, c’est toute une pédagogie: respecter les règles, savoir anticiper, développer des stratégies et renforcer sa confiance ou l’estime de soi, quand on a gagné. Et accepter la défaite, ce qui n’est pas toujours ...gagné !
Une solution pour apaiser les tensions : pratiquer un jeu collaboratif, où tous les participants s’unissent contre un adversaire commun, comme sauver le Petit Chaperon rouge ou survivre dans une île déserte. "Ça permet de réconcilier pas mal d’adultes qui pensaient ne plus aimer jouer." analyse Adrien Blanc. "Même si on estime pendant la partie que soi-même ou un des membres a mal joué, l’essentiel, c’est d’avoir participé à une expérience beaucoup plus partagée que quand il y en a un seul qui a écrasé tous les autres !"
Mais il n’y a pas qu’à la maison qu’on peut jouer. On peut aussi le faire en ludothèque. Exemple avec Kidijeux, en banlieue lyonnaise. Né en 2009, cet espace propose près de 1300 jeux en tout genre, à louer ou pratiquer sur place. Pourquoi y venir ? "Il y a déjà l’intention de sortir de chez soi pour jouer avec son enfant." estime Marie-Laure Pornon, l’une de ses membres. "Même si on ne joue pas avec lui, c’est une parenthèse que l’enfant va pouvoir vivre dans sa journée et découvrir d’autres jeux et d’autres joueurs." Et l’occasion aussi pour les parents de voir leurs enfants sous un jour nouveau, en choisissant des jeux auxquels ils n’auraient pas pensé.
Un moment choisi pour jouer, qu’on ne retrouve plus forcément à la maison, trop pris par les activités professionnelles ou tâches domestiques. Pour autant, pas besoin de se mettre la pression en dépliant le Monopoly tous les soirs. 10 minutes de jeu peuvent suffire. "Là, je fais pause", témoigne Lucille, elle-même maman. "Et c’est l’occasion de partager un vrai moment de qualité et d’échange avec l’enfant." Ce que confirme Adrien Blanc : "Jouer avec son enfant, ce n’est jamais une perte de temps. C’est de cela dont ils se rappelleront plus tard, ces moments de fun et de plaisir, plus que ce qui aura été cuisiné." Un jeu qui vaut bien la chandelle !
A retrouver aussi dans cette émission.
Que penser des jeux dits "éducatifs" ? Réel intérêt ou argument commercial ? Question aussi sur les jeux vidéo : dans quelle mesure rester vigilant ? Et puis, il joue à la poupée ou elle préfère les perceuses ? Comment réagir en tant que parents ?
Pour aller plus loin :
"Jouons ! A la découverte du monde, des autres et de soi" d'Adrien Blanc, psychologue clinicien en centre médico-psychologique et hôpital de jour. Un décryptage détaillé pour bien comprendre les mécanismes du jeu et ses conséquences de l'enfant à l'âge adulte. Collection "Et tu deviendras grand (e)" aux éditions In Press - 2023
"Cabanes": un lieu à vivre en famille, de 0 à 99 ans (!) avec jeux libres, club enfants, ateliers parents -enfants et friperie de vêtements enfants. Pas de réservation nécessaire. A découvrir au 5 rue Bonald, Lyon, 7e. Toutes les infos sur https://www.bonjourcabanes.com/cabanes
"Kidijeux", ludothèque de Sainte-Foy -les Lyon. un lieu d'accueil ouvert à tous pour jouer sur place ou emprunter des jeux. Infos à retrouver sur le site internet . https://ludothequekidijeux.wordpress.com/
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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