"Moi, quand il tombe de vélo, tout de suite, je fonce, je le prends dans les bras, j’ai besoin de le rassurer. Moi, au contraire, j’essaye de le laisser se gérer seul. Si ça fait mal, je lui dis que c’est normal et que ça ira mieux après !" Se précipiter ou temporiser, deux façons qu’ont ces mamans de consoler leur enfant. Y en a-t-il une meilleure que d’autre ? Quelle importance accorder à ces douleurs enfantines ? Décryptage d’Hélène Romano, psychothérapeute, auteure de « Consoler nos enfants » publié chez Leduc.
Consoler, d'abord, ça veut dire quoi ? En se fondant sur l’étymologie latine, "consolari" , contraction de "cum" et "solis" c’est "rendre entier", autrement dit "réparer une personne qui, suite à une épreuve, petite ou grande, a été expulsée du chemin de la vie.", explique Hélène Romano. Alors certes, pour un enfant, cela peut passer par le câlin ou le fameux "petit bisou magique". Mais pour la psycho thérapeute, consoler, ce n’est pas seulement annuler une douleur. "C’est tout un processus relationnel pour essayer de la comprendre, d’apprendre à l’apprivoiser et surtout d’être avec la personne en souffrance, ne pas la laisser seule face à cette détresse."
Mais justement, pourquoi a-t-on du mal à comprendre la souffrance d’un enfant ? La perte d’un doudou, une chute à vélo ou un ballon crevé, autant d’événements qui, pour un petit, sont de véritables drames qu’on a tendance à minimiser par un "ce n’est pas si grave". Pourquoi ce décalage d'appréciation ? Explications : l’enfant n’est pas un mini -adulte. Il n’a pas encore la capacité à réguler ses émotions. Ensuite, souligne la spécialiste, "la douleur d’un enfant est insupportable pour un parent. On a l’impression qu’on a été défaillant et qu’on n’a pas su le protéger. D’où cette forme de déni en relativisant, qui est une protection pour le parent." Et pour l’enfant, cette double peine : souffrir et ne pas être compris.
Autre difficulté : un enfant en souffrance ne va pas forcément savoir l’exprimer. Bébé, il n’a que ses pleurs et pas encore de mots pour dire ce qui ne va pas. Plus grand, même avec le langage, pas évident de décrire son mal-être. A cela peuvent se rajouter la honte, la peur d’être grondé, mais aussi la crainte de blesser ses parents. Et enfin, la perte de confiance face à un adulte, peu disponible et le recours à d’autres moyens de s’auto consoler, comme les écrans. Quant aux ados, se confier à ses parents, "ce serait plutôt vu comme une régression", revenir à une enfance qu’il cherche à quitter.
Comment alors savoir si son enfant a besoin d’être consolé ? "Il peut y avoir des troubles internalisés.", explique Hélène Romano. C'est un enfant qui change brutalement de comportement, qui ne va plus jouer, plus parler, s’isoler du monde. Des troubles aussi externalisés : il devient colérique, tape, se blesse tout le temps. Or, souligne la psycho thérapeute "un enfant qui va bien n’a pas besoin d’être agressif." Autant de signes qui doivent donc alerter les parents.
Chagrin d’enfant : comment alors donc réagir ? Quelques conseils : d’abord, ne pas banaliser cette souffrance. L'enfant, on l’a dit, n’a pas la même perception qu’un adulte. Eviter aussi les phrases du type "Ça te servira de leçon" ou "Dans la vie, il faut être fort". Cela impliquerait que "pour apprendre à vivre, il faut forcément souffrir." Le « Je t’avais prévenu, tu ne m’as pas écouté », pourquoi pas, le parent étant alors dans son rôle de protecteur. Mais il faut accepter aussi que son enfant fasse ses propres expériences, tout en restant à proximité. Enfin, couvrir de cadeaux parce qu’on n’a pas été là quand il le fallait ? "C’est matérialiser une émotion." estime Hélène Romano. Mieux vaut mettre des mots sur ce qu’on ressent, voir même s’excuser pour expliquer cette absence.
Autres conseils pratiques : les bisous, les câlins, oui, si l’enfant le demande. Mais ne pas lui imposer. "Certains enfants le supportent mal, lorsqu’il s’agit notamment d’inconnus." Se mettre aussi à son niveau, visuellement et physiquement, pour éviter un regard de bas en haut. Et surtout, rester présent, sans forcément parler, ni être intrusif, mais montrer simplement qu’on est là, disponible, que l’enfant n’est pas seul. La consolation, un art décidément subtil, fragile et délicat, mais si nécessaire, pour, rappelle Hélène Romano dans son livre, "permettre à l’enfant malgré tout de croire en lui, en l’autre et en la vie."
Pour aller plus loin :
"Consoler nos enfants - comment les accompagner dans les chagrins de la vie" par Hélène Romano, psychothérapeute et experte en traumatisme. Préface d'Agathe Lecaron, animatrice des "Maternelles" sur France 2, publié aux éditions Leduc
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