Le quotidien La Croix le dévoilait la semaine dernière, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb aurait reçu entre missions celle de d'"accompagner la structuration d'un islam de France".
Depuis les attentats terroristes la recherche d’un dialogue régulier et institutionnalisé avec les représentants de la communauté musulmane est une priorité pour les différents responsables du gouvernement. La difficulté à entretenir ce lien vient de la nature même de l’islam mais aussi de l’histoire de son implantation en France et du cadre particulier et spécifique de la laïcité française.
"Il y a toutes les raisons de s'intéresser aux musulmans", s'exclame Anne-Bénédicte Hoffner, qui se dit pourtant catholique. Certes, la journaliste est spécialiste de l'islam au quotidien La Croix. Mais c'est aussi "comme croyante catholique" qu'elle affirme avoir "lu et relu les textes de Vatican II sur le rapport entre l'Église et les religions non chrétiennes: l'Église leur reconnaît des rayons de la vérité." Par ailleurs, c'est également en tant que "citoyenne" qu'elle affirme ne pas pouvoir se désintéresser d'un "fait majeur de la société dans laquelle [elle vit].
Il y aura un avant et un après les attentats pour les musulmans de France. "Il ne faut pas sous-estimer l'impact et les effets qu'ont eu les attentats djihadistes sur les musulmans de France, soutient Vincent Geisser, co-auteur de "Musulmans de France, la grande épreuve" (éd. L'Atelier), on a souvent dit qu'ils n'étaient pas visibles, qu'ils n'étaient pas dans les manifestations, mais il y a eu des réactions." Solidarité, tristesse ou effroi, pour le sociologue, les musulmans de France "ont réagi avec leur croyance, leur pratique, foi mais aussi comme n'importe quel citoyen français qui était confronté à cette horreur du terrorisme".
ÉCOUTER ⺠Génération Père Jacques Hamel - Les premiers signes de solidarité sont venus des musulmans eux-mêmes
Dans son ouvrage "Les Nouveaux acteurs de l’islam" (éd. Bayard) Anne-Bénédicte Hoffner dresse le portrait de musulmans porteurs d'avenir et d'espoir. Des hommes et des femmes "qui essaient de construire leur foi dans le cadre de la démocratie, de égalité entre les hommes et les femmes et entre les musulmans et les non musulmans". Des personnes qui "ont une audience sur les réseaux sociaux", ce dont on peut se réjouir, quand on voit que le pire circule aussi sur internet.
Comment organiser le dialogue entre les institutions de la République et les croyants musulmans de France? Plus que jamais, il nous faut trouver les modalités d'une vie en commun. Mais parmi les obstacles que Vincent Geisser analyse, une "islamisation abusive des identités et des prises de parole". Selon le sociologue, "les institutions françaises ont tendance à islamiser abusivement des identités" mais il y a aussi "les acteurs, qui ont de plus en plus tendance à prendre la parole en tant que musulman sur des sujets qui n'ont rien à voir". Il conclut à "un processus de communautarisation de la parole publique, des identités publiques".
"Le monde musulman est profondément en crise", explique Didier Leschi. Le directeur de l'OFII ( (Office français de l'immigration et de l'intégration) est un spécialiste de l'islam en France et de la place des religions. Il est l'un des artisans du CFCM (Conseil français du culte musulman) avec lequel il se montre très critique: "Ils ne sont pas à la hauteur de leur tâche aujourd'hui". En 2017 il a exposé son regard sur la situation, dans "Misère(s) de l'islam de France" (éd. Cerf). Un ouvrage où il analyse la difficulté des musulmans à vivre en France.
"L'islam est une religion de France, depuis longtemps et nous avons tout intérêt à ce que les fidèles musulmans se sentent honorés et respectés, et nous avons en même temps intérêt à ce que, aux extrêmes de l'islam, il n'y ait pas une dynamique telle qu'elle apparaisse comme remettant en cause les compromis qui ont été construits en particulier dans le rapport avec l'Église catholique, et c'est ça qui est en jeu."
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