Marie-Madeleine est fêtée le 22 juillet. Pendant des siècles, l’Occident a fait de Marie-Madeleine une femme pécheresse repentie, incarnation d'une sensualité suspecte et tentatrice. C’était oublier qu'elle est la première personne à qui le Christ ressuscité s'est manifesté au lendemain de Pâques. Celle que l'on appelle aussi Marie de Magdala est "l'apôtre des apôtres". Ce que défend Sylvaine Landrivon dans son livre "Marie-Madeleine - La fin de la nuit" (éd. Cerf, 2017). La théologienne travaille depuis plusieurs années sur la place du féminin dans l'Église ou les Écritures.
Les arts en Occident l'ont représentée maintes et maintes fois à moitié dénudée, les cheveux défaits. Or, pour Sylvaine Landrivon, représenter Marie-Madeleine en prostituée repentie, c'est être plus fidèle au pape Grégoire le Grand ou à "La Légende dorée" de Jacques de Voragine (1228-1298) qu'aux évangiles : "Tout a été axé en Occident sur ce rôle de pécheresse."
"En voulant montrer l'extraordinaire de la conversion d'une telle pécheresse par la sublimation d'un élan mystique, on a laissé peu de place à l'interprétation", considère la théologienne. Dès lors ne reste pour les chrétiennes que deux modèles, celui de la Vierge et celui de la prostituée. La pécheresse ou la mystique : dans les deux cas l'image de la femme est fortement réduite ! Tout comme Judith - personnage assez méconnu du Premier Testament qui a pourtant "sauvé le peuple d'Israël" - Marie-Madeleine illustre, selon Sylvaine Landrivon, la façon dont on a pu "instrumentaliser" la place et le rôle des femmes dans l'histoire du christianisme.
Ce n'est pas un hasard si le pape François, qui défend une "théologie de la femme", a érigé au rang de fête (le 22 juillet) la mémoire de Marie de Magdala, par décret de la Congrégation du culte divin le 3 juin 2016. Une façon de rappeler que Marie-Madeleine est "l'apôtre des apôtres", selon la formule d'Hippolyte de Rome.
Changer l'image de Marie-Madeleine : quels enjeux ? Aller au-delà de la pécheresse repentie, c'est redire qu'elle est avant tout une femme envoyée en mission. "L'enjeu est de sortir les femmes de cette image où tout est presque dans la corporéité, le péché et la sublimation par l'affectif, pour revenir à une image de femmes qui peuvent avoir des responsabilités, assumer des rôles et avoir une parole d'autorité, y compris dans l'Église."
Le personnage de la Madeleine a été largement "fabriqué" par Grégoire le Grand, explique la théologienne. Contrairement à la tradition exégétique orientale, en Occident on a souvent confondu les Marie des évangiles - Marie de Béthanie et Marie de Magdala, citées dans l'évangile de Jean. Marc et Matthieu décrivent, eux, des scènes d'onction où intervient une femme qui n'est pas nommée. Et l'évangile de Luc évoque une femme pécheresse qui fait une onction sur les pieds du Christ. Pour Sylvaine Landrivon, "rien ne permet de faire l'amalgame et de faire ce personnage composite de la Madeleine que nous a donné l'Occident".
Qui était Marie de Magdala ? "Les évangiles la présentent comme une femme amie de Jésus qui a été malade et que Jésus a guérie", explique la théologienne. Une femme qui a vendu tous ses biens pour suivre le Christ. Marie de Magdala était présente au pied de la croix et au tombeau. C'est à elle que le Christ ressuscité s'est révélé en premier. Il lui a donné la mission "extraordinaire d'aller éveiller les disciples qui n'avaient rien compris", comme le dira Romain le Mélode, poète du VIe siècle.
Cet article est tiré de l'émission quotidienne Halte spirituelle présentée par Véronique Alzieu à retrouver sur rcf.fr (en haut de cet article) et sur les plateformes de podcasts.
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