Pour l'historien Marcel Gauchet le clivage gauche-droite est toujours bien vital, malgré le "en même temps" du macronisme. Il se manifeste sous de nouvelles formes : en réaction au compromis recherché par Emmanuel Macron, on assiste à une détestation des élites dirigeantes et une montée des extrêmes.
"La France est-elle condamnée par sa propre histoire à former deux camps rivaux et inconciliables ?" se demandait en 1858 le grand historien Augustin Thierry. Plus de 150 ans après, un autre historien, Marcel Gauchet, affirme que cet affrontement droite-gauche est toujours bien vital et qu’il "a encore de beaux jours devant lui". Il vient de publier "La droite et la gauche - Histoire et destin" (coll. Le Débat, éd. Gallimard), une version actualisée de son étude publiée en 1993.
Pourtant, on assiste aujourd’hui à une montée de l’abstention, qui est massive chez les jeunes, à une montée des populismes, à une détestation croissante des élites et une défiance vis-à-vis des élus et des corps constitués, à une violence croissante dans les affrontements, à un effondrement des effectifs des partis… Le tout dans une France dont le président se dit et de droite et de gauche. Autant d’éléments qui semblent brouiller le clivage : se serait-il dilué ? Bien au contraire, selon Marcel Gauchet. Ils sont pour lui "le signe de la vitalité du clivage gauche-droite", mais sous une nouvelle forme où il apparaît brouillé.
Sévère avec Emmanuel Macron, Marcel Gauchet conclut déjà à un "échec" de son quinquennat alors que celui-ci n’est même pas encore achevé - il publie "Macron, les leçons d'un échec" (éd. Stock). À trop vouloir réaliser le compromis du fameux "en même temps", le macronisme a produit selon lui deux effets : un désintérêt pour la vie politique, qu’illustrent les forts taux d’abstention, et une polarisation des idées, que l’on constate dans la montée des extrêmes. "Le paradoxe, résume l’historien, est que l’affaiblissement du clivage produit la polarisation du champ politique."
Certes, le "en même temps" a pu être une façon de "reconnaître l’existence d’une droite et d’une gauche", comme le souligne Laurent de Boissieu. Il répond par ailleurs à "une profonde aspiration des Français" qui est celle d'un compromis, selon Marcel Gauchet. Mais une fois les centres gauche et droit unifiés, où est passée l’alternance ? Alternance qui avait l’avantage de "canaliser la vie politique vers une proposition bien structurée", comme le souligne l’historien. Le compromis "rend la confrontation dépourvue d’objet". Et "en l’absence d’un clivage clairement identifiable fonctionne le rejet du 'tous les mêmes' et la montée des radicalisations qui prétendent se situer en dehors même du champs politique, aux deux extrêmes."
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