Une exposition du musée du Louvre porte un titre étonnamment banal : "Les Choses". Le sous-titre est plus explicite et plus classique : "Une histoire de la nature morte".
L’historienne d’art qui a conçu l’exposition, Laurence Bertrand Dorléac, professeure à Sciences-Po-Paris, n’aime pas l’appellation "nature morte", utilisé en France depuis le XVIIe siècle pour désigner les tableaux représentant des objets ou, disons, des choses, donc. Il faut souligner qu’en anglais, en allemand, en néerlandais, on désigne cette forme d’art par une autre expression, plus rêveuse. On parle de Still Life, c’est-à-dire "vie immobile" ou "vie silencieuse". Ce qui résonne d’ailleurs très bien avec un célèbre vers du poète Lamartine : "Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?"
L’exposition du Louvre nous permet de mesurer combien ces œuvres d’art, depuis l’origine des temps, mettent en scène la valeur symbolique des objets. Pour citer les organisateurs de l’exposition, “le genre de la nature morte permet d’entrevoir les croyances, les peurs ou encore les désirs et les rêves de l’être humain, au fil des époques et dans diverses cultures.”
Concrètement, il suffit de mentionner la plus ancienne et la plus récente des 170 œuvres exposées au Louvre pour illustrer ce propos. D’un côté, le relevé d’une série de haches gravées sur les parois du cairn de Gavrinis vers 3 500 ans avant notre ère. De l’autre, la photographie à la fois floue et lumineuse d’un bouquet de fleurs, prise par l’Américaine Nan Goldin, dans son appartement new-yorkais au premier jour de la quarantaine au printemps 2020. Ce qui illustre l’un des grands intérêts de l’exposition : elle couvre tout l’arc du temps et tous les modes d’expression, la peinture, mais aussi la sculpture, la photographie ou le cinéma.
Oui, mais selon des modalités assez différentes. On a coutume de dire qu’au Moyen Âge et au début de la Renaissance, la prédominance des thèmes religieux a chassé les objets à l’arrière-plan. Oui, mais ils sont tout de même bien présents avec une fonction toujours symbolique. Parfois de manière étonnante, comme dans un livret de dévotion en ivoire datant du XIVe siècle, où les attributs de la passion du Christ sont représentés sans aucune mise en scène, comme dans un livre de leçons de choses. Trente petits ronds représentent ainsi les deniers touchés par Judas pour avoir dénoncé Jésus.
Le niveau est très élevé grâce à la richesse des collections du Louvre et des grands musées français. On peut citer Arcimboldo, Rembrandt, Chardin, Goya, Manet, Van Gogh, Cézanne, Matisse, Picasso. Et d’autres moins illustres, mais très attachants comme l’Italien Giorgio Morandi ou la Française Séraphine de Senlis. Et puis il faut évoquer aussi, dans le hall d’entrée du Louvre, sous la pyramide de verre, une œuvre créée spécialement pour l’exposition par l’artiste camerounais Barthélémy Toguo, intitulée "le pilier des migrants disparus". Une colonne faite de ballots de tissus africains multicolores. Une nature morte, au sens le plus tragique qui soit.
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