Les religions ne sont pas nées d'une croyance mais d'une émotion, d'un sentiment : celui du sacré. C'est la conviction que défend Frédéric Lenoir. Philosophe et sociologue des religions, il s'interroge depuis de nombreuses années sur le phénomène religieux et ses origines.
Peut-on déjà parler de sens du sacré chez l'Homme de Néandertal ou chez nos ancêtres Homo sapiens ? Comment ont été élaborées les premières religions ? Comment est-on passé du culte des ancêtres à la déesse mère, du polythéisme ou monothéisme ? Pourquoi ce lien si fort entre pouvoir religieux et pouvoir politique ? Ces questions, Frédéric Lenoir les aborde dans "L'Odyssée du sacré" (éd. Albin Michel, 2023). Avec ce livre, le philosophe, écrivain et sociologue des religions publie la synthèse de nombreuses années de recherche et de questionnement sur le fait religieux.
Philosophe, sociologue des religions, Frédéric Lenoir fait partie des auteurs influents dans le domaine de la spiritualité. Vulgarisateur, il s’efforce de rendre accessible la pensée de philosophes et de maîtres spirituels comme Spinoza, Bouddha, Etty Hillesum, Jésus ou Épicure. À l’adolescence, il s’est d’abord passionné pour la philosophie et s’est intéressé au bouddhisme tibétain, mais aussi à la pensée de Carl Gustav Jung, fondateur de la psychologie analytique. Après trois ans au sein de la communauté Saint-Jean, il a soutenu en 1996 une thèse de doctorat en sociologie, à l'École des hautes études en sciences sociales (Ehess). Il a codirigé une "Encyclopédie des religions du monde" (éd. Bayard, 1997) avant de diriger, de 2004 à 2013, Le Monde des religions.
À 61 ans, Frédéric Lenoir publie le fruit de "35 ans de travail". Dans "L’Odyssée du sacré", il propose une approche philosophique, historique et sociologique des religions, où il s’intéresse en particulier "à l’individu". Frédéric Lenoir a voulu "essayer de comprendre ce qui se passe dans l’individu, dans sa psyché, dans son rapport au sacré, etc." Dès le début du livre, il prévient : sa démarche se veut avant tout "sérieuse" et "distanciée" : il ne consacre que deux ou trois pages en conclusion pour livrer son avis personnel…
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Frédéric Lenoir en est convaincu : c’est "un sentiment" qui préexiste avant le phénomène religieux. La religion, c'est "une aventure collective, explique le philosophe, c’est la manière dont les humains dans la société s’organisent atour de croyances et de rituels partagés." Qu’est-ce donc qui en est à l’origine ? Et si, avant la religion, il y avait un mouvement intérieur chez l’individu ? Pour Frédéric Lenoir, ce mouvement intérieur est un "sentiment" : celui du "sacré".
"Le sacré, je crois que c’est un sentiment universel - c’est ce qu’il y a de plus universel - que chacun de nous ressent face à la naissance d’un enfant, la mort d’un proche, la beauté de la voûte céleste, un coucher de soleil qui tombe sur la terre ou un tremblement de terre… On sent qu’il y a quelque chose qui nous dépasse." Frédéric Lenoir rappelle que le théologien luthérien allemand Rudolf Otto (1869-1937) définissait le sacré comme : "un émerveillement et une crainte devant la puissance du monde"... "Devant le mystère de la vie et de la mort", ajoute l’auteur de "L'Odyssée du sacré".
Je suis intimement convaincu... que c’est cette émotion profonde du sacré qui a donné naissance à toutes les religions
Ainsi, à l’origine des religions, il y a "non pas une croyance" mais "un sentiment", estime Frédéric Lenoir, "une émotion" : "Je suis intimement convaincu, dit-il, c’est la thèse du livre, que c’est ce sentiment - c’est-à-dire que ce n’est pas une croyance, c’est éprouver - c’est cette émotion profonde du sacré qui a donné naissance à toutes les religions."
"Le sacré est à l’origine de tout", résume Frédéric Lenoir. Et ce "sentiment" est, comme il le rappelle, universel : pourtant, tous les êtres humains n’ont pas fait de ce ressenti une religion. Il y a ceux qui croient que "tout est lié à la matière", explique le philosophe, et ceux qui croient "qu’il y a un monde invisible". Parmi ces derniers, il y a ceux "qui ont une conception transcendante" – d’où les religions monothéistes, où Dieu est "extérieur au monde". Enfin, certains ont "une conception immanente" de l’invisible : "Ce sont toutes les voies orientales, qui nous disent que l’absolu est présent dans le monde, qu’il n’est pas extérieur au monde."
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