Des affrontements ont eu lieu à l’intérieur de la mosquée Al-Aqsa et sur l’esplanade des mosquées, à Jérusalem, dans la nuit de mardi à mercredi. Ces scènes de violence dans des lieux sacrés ont de quoi heurter la sensibilité des croyants. Quelle est la réglementation pour l'accès aux lieux saints de Jérusalem ? Et qu'est-ce qu'un lieu saint ?
Cette année, alors que la Pâque juive, coïncide avec le Ramadan et la Semaine sainte, on voit "des choses que l’on ne devrait pas voir", à Jérusalem. Un regain de violence alors que la période devrait inciter à la ferveur et au recueillement.
Du 6 au 9 avril, vivez en direct sur RCF l’ensemble des offices du triduum pascal au cœur de l’école biblique et archéologique française de Jérusalem.
Lorsqu’il se marie un homme juif récite ce verset du Psaume 136 : "Si je t’oublie ô Jérusalem, que ma main droite soit asséchée et que la langue soit collée à mon palais." Comme le dit Myriam Kadouch, guide touristique en Israël, cela montre bien "l’importance de Jérusalem dans le moment le plus heureux dans la vie d’un homme et d’une femme". D’ailleurs en hébreu, Yerushalayim est au pluriel, car "elle est à la fois céleste et terrestre". Pourtant, Jérusalem n’a pas toujours été une ville sainte et il y a eu d’autres temples ailleurs. La sainteté de la ville, "telle qu’elle est venue par les juifs, commence au VIe siècle avant notre ère", rappelle Myriam Kadouch.
Jérusalem, pour les musulmans, c’est la ville d'où le prophète Mahomet s'est élevé au ciel lors du voyage nocturne, avec l’ange Gabriel. Quant aux chrétiens, ils ont "un lien vraiment ontologique" à la ville, selon le Père Frédéric Masson, prêtre de confession syriaque catholique, car le Christ a passé du temps à Jérusalem. "Il en a respiré l’air, il a regardé les paysages, il a senti les saisons, il a goûté cet endroit..." Et pour eux, la ville est sainte "bien avant le christianisme" car "l’attente du Messie c’était déjà un mouvement de foi extraordinaire dans lequel nous nous sommes greffés".
→ À LIRE : Éric-Emmanuel Schmitt, sa "deuxième conversion" à Jérusalem
Plus largement, "les pèlerins ou les visiteurs qui viennent ici ressentent quelque chose", décrit Myriam Kadouch. Pour elle, "il y a une gravité quelque chose de très, très fort qui se passe ici, une découverte et je dirais même une découverte de soi". Pour la guide, qui accompagne de nombreux pèlerins en Terre sainte, il se passe quelque chose chez ceux qui visitent Jérusalem. Sans doute est-ce lié à la variété et la multiplicité des cultures qui se rencontrent ? Quelque chose pousse à "retrouver ce Dieu ou cette spiritualité qui est en soi". Comme le dit le Père Frédéric Masson, "il y a une rencontre entre la sainteté du lieu et la spiritualité de chacun".
Pourtant, lorsqu’on écoute Huda Al Iman, la violence politique, comme ce qui s’est passé ces derniers jours dans la mosquée Al-Aqsa, "désacralise" les lieux. "Je le dis avec beaucoup de tristesse", ajoute-t-elle. Elle La militante palestinienne parle d’un "gouvernement militaire qui enlève tout ce qui est spiritualité de cette ville de Jérusalem". "Pardon, dit-elle, ce n’est pas la religion qui respire, qui est vivante tous les jours, c’est la politique plus que la religion qui vit tous les jours, surtout dans Jérusalem."
Les Églises se plaignent régulièrement qu’il y a de facto une entrave à la pratique religieuse des chrétiens de la Cisjordanie et de Gaza, parce qu’ils ne peuvent pas venir à Jérusalem
La mosquée Al-Aqsa est le troisième lieu saint de l’islam. Elle est située sur l’esplanade des Mosquées, qui est pour les juifs le mont du Temple, le lieu le plus sacré du judaïsme. "Officiellement, en tant qu’autorité politique qui gouverne la ville de Jérusalem, résume Frère Cyrille Jalabert, les Israéliens ont la responsabilité, et ils en ont pris l’engagement, de laisser ouvert les lieux saints et de laisser accès libre à la prière." Si les étrangers peuvent "circuler facilement", cela "devient très difficile pour les Palestiniens". Ceux qui habitent à Jérusalem peuvent "en théorie" circuler librement dans la ville : "Il y a quand même souvent des gens qui ont peur d’aller en ville, décrit le dominicain, car ils ont tout simplement peur d’être arrêtés. Et aujourd’hui les gens commencent à avoir peur des actions des colons qui peuvent avoir lieu dans les rues de Jérusalem."
Mais pour les Palestiniens, musulmans ou chrétiens, qui veulent venir prier à Jérusalem depuis la Cisjordanie, rappelle Myriam Kadouch, "il faut une autorisation spéciale, car on passe d’une zone palestinienne à une zone israélienne, selon les accords d’Oslo". Et même avec une autorisation, "c’est déjà arrivé que des gens se voient refuser la possibilité de passer le check point", précise Frère Cyrille Jalabert. D'ailleurs, "les Églises se plaignent régulièrement qu’il y a de facto une entrave à la pratique religieuse des chrétiens de la Cisjordanie et de Gaza, parce qu’ils ne peuvent pas venir à Jérusalem", convient le Père Masson.
Que serait un lieu sacré sans fidèles ? "Une espèce de musée", répond Cyrille Jalabert. "Si on a la foi, si on est dans les circonstances de vouloir sentir la sainteté de cette pierre, on va la sentir", avance Huda Al Iman, pour souligner que c'est la ferveur des hommes et les femmes qui fait la sainteté d'un lieu. On le constate à Bethléem, là où le Christ est né, il y a de moins en moins de de chrétiens pour "garder ces lieux vivants", comme l’observe Myriam Kadouch. "Jérusalem est une ville sainte, conclut le Père Masson, parce qu’elle nous appelle à une profonde conversion intérieure, à une charité, à recevoir, voir l’autre avec des yeux aimants."
Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !