Avec la disparition le 16 janvier dernier, à l’âge de 95 ans, de l’actrice Gina Lollobrigida, c’est tout un pan de l’âge d’or du cinéma italien qui s’en est allé. Retour sur sa carrière en 7 films clés.
Considérée dans les années 60 comme la plus belle femme du monde, « ce que l’Italie a produit de mieux depuis l’invention des spaghettis », avaient même dit certains non sans un humour tout latin, la « Lollo », comme on la surnommait du nord au sud de la Botte, c’était d’abord un tempérament et un physique qui faisait tourner les têtes et accaparait les écrans après guerre. Un sex symbol et une star du cinéma italien des années 50 qui fut dirigée par les plus grands en Italie, mais aussi en France comme aux Etats-Unis.
Gina Lollobrigida le reconnaissait. Elle devait tout à la France et au rôle d’Adeline, une fausse diseuse de bonne aventure qui tombe sous le charme en 1952 de Gérard Philipe dans le film de Christian-Jaque, Fanfan la Tulipe. Maurice Thiriet et Georges van Parys composent la musique de ce succès français et italien mais aussi mondial et fait de la jeune Italienne une nouvelle star. La même année, les deux acteurs se retrouvent dans Les Belles de nuit, de René Clair où elle crève à nouveau l'écran.
Alessandro Cicognini compose en 1953 le délicieux générique aux faux airs de tarentelle de Pain, amour et fantaisie, de Luigi Comencini. Un film qui va assurer au cinéaste la renommée et le premier grand succès de sa carrière. Gina Lollobrigida joue une pauvre paysanne au tempérament bien trempé dont la seule richesse est un âne mais dont va tomber amoureux le chef des carabiniers, joué par Vittorio De Sica, un officier séduisant d’âge mûr. Devenu un classique avec sa suite Pain, amour et jalousie, le film est considéré comme le lien parfait entre le néo-réalisme et ce que plus tard on appellera la comédie à l’italienne. Un néoréalisme rose en somme qui va comme un gant à la fille de commerçants du Mezzogiorno qu’est Gina, née dans un petit village du Latium, Subiaco, à 70 km à l’est de Rome, capable de passer du désespoir au rire en un clin d’œil.
Je veux laisser un souvenir de ma vie.
En ce milieu des années 50, Hollywood s’intéresse à l’actrice italienne et Carol Reed la met en scène en 1956 dans Trapèze aux côtés de deux monstres sacrés : Burt Lancaster et Tony Curtis tandis que Malcolm Arnold signe la musique. Tourné en France, à Paris, au Cirque d'Hiver Bouglione, Trapèze donne l’occasion à Gina Lollobrigida de jouer à nouveau une femme de caractère qui suscite les convoitises de Burt Lancaster, ancien trapéziste devenu accessoiriste après un grave accident, et de Tony Curtis, en passe de devenir la vedette du cirque. Qu’elle semble loin désormais l’année 1947 où elle s’était présentée au concours de Miss Italie, remporté cette année-là par une autre future grande actrice, Lucia Bosè. La « Bellissima » a désormais l’industrie du cinéma à ses pieds et joue, la même année, une envoûtante Esmeralda aux côtés d’Antony Quinn et Alain Cuny sous la direction de Jean Delannoy.
Comme pour Fanfan la Tulipe, l’actrice italienne revêt à nouveau les habits d’une bohémienne, la brune piquante Esmeralda, dans Notre-Dame de Paris, de Jean Delannoy, avec au scénario Jean Aurenche et Jacques Prévert. Elle va rendre fou Quasimodo, joué par Anthony Quinn, mais aussi Frollo, l’archidiacre, écartelé entre son vœu de chasteté et la passion charnelle. Le film est entièrement tourné dans les studios de Boulogne où une cathédrale plus vraie que nature est reconstituée, ainsi que son parvis mais aussi ses combles, ses toits et ses tours. Un décorum majestueux qui engloutit plus de la moitié du budget du film. Georges Auric est à la partition musicale et Gina Lollobrigida chante dans la version italienne la Danza di Esmeralda.
Des chœurs d’opéra, un orchestre symphonique et des accents de péplum, pas de doute, on est bien dans du grand spectacle tel qu’Hollywood sait en produire en ces années 50. Et Salomon et la reine de Saba en est un éclatant exemple. King Vidor dirige en 1959 Gina Lollobrigida qui donne la réplique à Yul Brynner qui a remplacé au pied levé Tyrone Power victime d’une crise cardiaque fatale sur le tournage.
Pour les besoins de Rendez-vous de septembre, film américain d’Universal à gros budget dont l’action se passe sur la Riviera italienne, Bobby Darin, en plus de faire l’acteur, compose et chante deux chansons dont Multiplication pour cette comédie sentimentale où Rock Hudson est cette fois un nouveau partenaire de prestige. L’Italienne incarne l’amie d’un riche industriel américain, habitué à passer ses vacances en Europe chaque année au mois de septembre dans une somptueuse villa. En son absence, il découvre que bien des choses ont changé. A commencer par les jeunes gens en nombre qui la fréquentent.
Sophia Loren joue les paysannes. Je joue les dames.
Sept ans après Notre-Dame de Paris, la Romaine retrouve Jean Delannoy pour Venere imperiale ou Vénus impériale en français. Le thème principal donne à entendre des accents romantiques débordants qui s’épanchent dans une symphonie de violons, dirigée par Angelo Francesco Lavagnino, compositeur italien, spécialisé dans la musique de péplum, souvent grandiloquente. La prestation de Gina Lollobrigida dans le rôle de Pauline Bonaparte, la soeur préférée de Napoléon, lui vaut deux prix en 1963 : un Ruban d'argent (Nastro d'argento) décerné par le Syndicat des journalistes italiens et le David di Donatello, l’équivalent des César en Italie, de la meilleure actrice.
L'Italienne avait arrêté sa carrière dans les années 1970 pour se consacrer à la photographie, sa grande passion, et à la sculpture tout en faisant quelques apparitions dans les années 80 et 90 dans des séries américaines. En 2018, à 90 ans, elle avait inauguré son étoile sur Hollywood Boulevard. Une consécration tardive pour cette reine du cinéma.
"La Symphonie du cinéma", une émission de Fabien Genest pour voyager dans l'univers des musiques de films.
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