Croire au cinéma 2022 : "La terre des hommes" remporte le prix
En partenariat avec SIGNIS-CINEMA
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Actrice de l’incommunicabilité chez Antonioni, Monica Vitti s’est éteinte mercredi 2 février, à Rome, à 90 ans. Elle venait de les fêter. Visage lumineux et vedette du cinéma italien dans les années 60 et 70, elle fut une inoubliable Claudia dans L’Avventura qui la propulsa sous les projecteurs en 1960. Elle partagea, aussi, l’affiche, toujours chez Antonioni, avec Alain Delon dans L’Eclipse, un film à avoir vu au moins une fois. Pour sa beauté froide et magnétique, tout autant que pour le témoignage architectural et urbain d’une Italie en pleine mutation.
“Non, non je ne vais jamais te lâcher… Non, non, tu seras toujours à moi…“, fredonne dans L’Avventura, Monica Vitti en écoutant Mai, un célèbre tube de Mina, star italienne de la varité, dans une scène où elle danse devant Sandro, son amant, que joue Gabriele Ferzetti qu’elle essaie de retenir dans un moment empreint à la fois de légèreté et de gravité. Car Monica Vitti est bien conscience de la fragilité de sa situation, elle qui craint de voir ressurgir Anna, son amie, disparue lors d’une croisière dans les îles éoliennes et promise à Sandro. L’Avventura, magnifiquement habillé par la musique très incarnée de Giovanni Fusco, va marquer un tournant majeur. Ereinté par certains, encensé par d’autres qui y voient une façon de filmer et de raconter d’une grande modernité, le film obtient la palme du jury au festival de Cannes en 1960 et lance la carrière de Monica Vitti. Elle va devenir l’actrice fétiche d’Antonioni en même temps que sa compagne. Un symbole de ses films suivants La Nuit et L’Eclipse et de l’incommunicabilité de ses personnages, murés dans leurs silences, incapables de révéler la profondeur de leurs sentiments.
Un an après La Nuit, Michelangelo Antonioni réunit Alain Delon et Monica Vitti. L’Eclipse clot ainsi sa trilogie sur l’incommunicabilité débuté avec L’Avventura. A l’image de l’extrait de la scène où Alain Delon explique avec détachement les aléas de son métier de courtier à une Monica Vitti novice, le film dénonce le matérialisme dans une Italie en proie à un boum économique sans précédent. C’est aussi une œuvre majeure pour son parti pris esthétique et son témoignage urbain d’une Rome en pleine mutation. Giovanni Fusco signe une nouvelle fois la musique. Antonioni pousse Monica Vitti de plus en plus vers un jeu intériorisé qui atteindra son acmée en 1964 dans Désert rouge, son premier film en couleurs, où, dans un décor de zone industrielle futuriste, elle promène une névrose au bord de la folie.
Moins connue en France qu’en Italie dans le registre de la comédie, Monica Vitti change de voie et de style, au milieu des années 60, et enchaîne les grands rôles humoristiques chez Monicelli, mais aussi Luciano Salce, Dino Risi, Ettore Scola ou encore Carlo Di Palma… Dans La Fille au pistolet, de Mario Monicelli (1968), Peppino De Luca habille cette comédie d’une musique pop rock aux accents et aux cordes exotiques. Voilà en tout cas une comédie italienne typique des années 60, qui fut nommée pour l'Oscar du meilleur film en langue étrangère, et où l’action est transposée en Ecosse, point de chute de l’héroïne, jouée par Monica Vitti, à la recherche de son amant dont elle veut se venger, lequel a fui la Sicile et l’a deshonorée. Née à l’état civil Maria-Luisa Ceciarelli à Rome , le 3 novembre 1931, la Vitti comme la coutume veut qu’on surnomme affectueusement les personnalités féminines en Italie, débute à 15 ans sur les planches de théâtre. Elle s'inscrira à l'Académie nationale d'art dramatique de Rome, fera de nombreuses tournées avant de croiser la route du cinéma en 1957. Michelangelo Antonioni lui proposera d’abord de doubler l’une des actrices de son film Le Cri. Mais trois ans plus tard, c’est bien un rôle principal qu’il lui offrira dans L’Avventura.
Armando Trovajoli pour Drame de la jalousie, d’Ettore Scola en 1970 et Riz Ortolani pour Teresa la voleuse, de Carlo Di Palma en 1973, composent la musique de deux comédies italiennes à succès, typiques des années 70, notamment la première, la plus connue, avec son scénario signé Age et Scarpelli, où Monica Vitti est tiraillée entre son amour pour Marcello Mastroianni et Giancarlo Giannini. Première actrice comique en Italie à l'égal des hommes, Monica Vitti tient la dragée haute aux stars de l’époque, les Mastroianni, Sordi, Tognazzi et Manfredi en n’ayant pas peur de jouer sur l'ironie, y compris vis à vis d’elle-même. Elle enchaîne ainsi des comédies plutôt sophistiquées tout en communiquant sa passion du métier à la jeune génération d'acteurs.
Considérée au départ comme "un énorme défaut", sa voix rauque et éraillée s'est avérée au contraire une opportunité et ne l’a pas empêché de chanter dans plusieurs films comme en 1973 dans La Tosca. En 1971, déjà, chez Dino Risi dans Moi, la femme, Monica Vitti chante en habit de religieuse devant un auditoire interloqué dans Katherine, un des segments de ce film à sketchs où elle campe tous les rôles. Deux ans plus tard pour La Tosca de Luigi Magni, elle interprète Floria Tosca et chante juste avant de se jeter des remparts La Morte di Tosca sur une musique d’Armando Trovajoli, compositeur de musique de film phare du cinéma italien des années 60 et 70.
En 1975 dans Le Canard à l’orange, de Luciano Salce, énorme succès au box office en Italie, Monica Vitti donne la réplique à Ugo Tognazzi dans une comédie sentimentale où l’acteur tient le rôle à la fois de l’amant et du mari trompé. Ugo Tognazzi est au mitan de sa gloire en cette année 1975 qui le voit triompher dans deux des quatre plus gros succès au box office italien cette année-là : Mes Chers Amis, de Mario Monicelli et Le Canard à l’orange (L'anatra all'arancia) de Luciano Salce.
Deux ans avant de retrouver une dernière fois Antonioni dans Le Mystère d'Oberwald en 1980, Monica Vitti revient à un registre plus dramatique sous la caméra d’André Cayatte dans La Raison d’Etat, une production franco-italienne. Elle y partage l’affiche avec Jean Yanne dans le costume d’un haut fonctionnaire corrompu. Vladimir Cosma signe la partition très atypique et loin de son style enlevé et joyeux habituel pour ce film politique très efficace.
Francesco De Gregori, chanteur et compositeur surnommé le Bob Dylan italien, signe en 1983 la musique de Flirt pour le film de Roberto Russo, compagnon à la ville de Monica Vitti pendant 40 ans, qui réalisait là son premier long métrage. L’actrice tournera encore deux films dont un dernier en 1989, Scandale secret, où elle tient le rôle principal tout en signant le scénario et en étant réalisatrice avant de raccrocher définitivement.
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