Réchauffement climatique, instabilité géopolitique, inégalités... Face à toutes les inquiétudes qui pèsent sur nos consciences parler d'émerveillement est-il bien raisonnable ? "Non seulement c'est raisonnable mais c'est nécessaire ! répond Jean-Claude Guillebaud, je suis comme tout le monde effrayé par les menaces qui pèsent sur le monde, mais je pense que ces menaces sont tellement énormes qu'il faut mobiliser les sociétés tout entières." Et ce qui les mobilisera c'est la beauté qu'il nous faut sauver. C'est donc au thème de l'émerveillement que l'essayiste consacre son dernier livre, "Sauver la beauté du monde" (éd. L'Iconoclaste).
De plus en plus d'écologistes en sont convaincus, l'émerveillement est la première étape vers la conversion écologique. C'est en écoutant l'émission Visages avec la juriste internationale Valérie Cabanes que Jean-Claude Guillebaud s'est "arrêté au concept d'émerveillement". Il la cite plusieurs fois dans son livre.
Le titre de son ouvrage fait écho à cette phrase de Dostoïevski, auteur de "L'Idiot" (1868-1869) : "La beauté sauvera le monde". Que prononce le Prince Mychkine et que personne ne prend au sérieux. Seulement au XXIe siècle, cette sentence est "dépassée", pour Jean-Claude Guillebaud. "Cette phrase on ne la prend plus vraiment au sérieux, elle est devenue fausse." C'est plutôt à nous de "sauver la beauté du monde".
Pour un ancien journaliste et éditeur comme Jean-Claude Guillebaud, les mots ont leur importance. Si l'on ne peut plus se contenter d'une formule par trop utilisée, on ne peut pas non plus désirer convaincre et mobiliser uniquement avec "des chiffres, des statistiques", des degrés à ne pas dépasser et un langage parfois "abscons" et "technocratique" utilisé dans certains rapports "incompréhensibles". "On ne peut mobiliser qu'avec le cœur, qu'avec l'émotion."
L'émerveillement, pour un ancien correspondant de guerre le mot est lourd de sens. Avant de se tourner vers l'édition, où il a contribué à faire connaître de grands penseurs comme René Girard, Jacques Ellul ou Edgar Morin, Jean-Claude Guillebaud a été journaliste (Prix Albert-Londres 1972) et correspondant de guerre. Un métier qui a fait de lui le témoin de scènes éprouvantes. Mais à la façon d'un Sebastião Salgado, il croit possible d'"expliquer qu'il faut que nous sauvions la terre comme on fait une déclaration d'amour : si on n'a pas cet amour, si on n'a pas cette douceur, si on n'a pas cette envie de venir sentimentalement, avec le coeur, au secours de la terre, on n'y arrivera pas".
Sebastião Salgado, c'est cet "immense photographe brésilien" qui a longtemps été photographe de guerre - quand Jean-Claude Guillebaud était lui-même correspondant de guerre - et qui a décidé d'arrêter la photo après avoir été bouleversé par les massacres du Rwanda. Après 10 années consacrées à restaurer l'estancia de son père, il "s'est mis à photographier la beauté du monde". Initiateur du projet Genesis, il a fait l'objet d'un film par Wim Wenders, "Le Sel de la Terre" (2014), que l'essayiste a vu plusieurs fois. Jean-Claude Guillebaud écrit : "L'émerveillement ce n'est pas un concept c'est une suffocation ravie."
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