Quel avenir pour la culture après deux années de confinement ? Quelles initiatives pour lutter contre la désinformation ? Comment concilier le job de ministre et de maman ? Quelles sont ses sources d'inspiration ? Grande interview de Bénédicte Linard, Ministre Ecolo de la Culture, des Médias, des droits des femmes, de l'enfance et de la santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Avec l’arrivée du printemps et du code jaune, voici la réouverture tant attendue des évènements culturels. Le confinement a mis tout le secteur sous pression. La ministre explique: “Durant le confinement, le secteur de la culture a souffert. Cela a été un combat de garantir l’accès à la culture dès le plus jeune âge. Durant le confinement, 100 millions d’euros ont été dédiés au soutien au secteur culturel. C’est significatif par rapport au budget de 333 millions d’euros en temps normal. La culture, ce sont des espaces de respiration, de liberté, de réflexion, des lieux magiques de liens sociaux. La culture est un fond de la démocratie, dans un monde de plus en plus individualiste. La culture rassemble, quel que soit l’âge. C’est fondamental pour la vie en commun.”
Le confinement a par contre causé une forte croissance de la consommation des médias, en particulier au travers des plateformes numériques, non sans susciter des débats sur la désinformation. Une certaine méfiance s’est développée vis-à-vis de certains médias. “Nous avons pris conscience de nouvelles problématiques sur la qualité de l’information et des risques de désinformation. Les médias comme la culture font partie des piliers de la démocratie. Nous nous battons pour garder une information de qualité. Nous voyons une croissance de la désinformation, c’est mortifère. Nous voulons actionner deux leviers majeurs : la formation des journalistes et l’éducation aux médias.”
Dans ses promesses électorales, le parti Ecolo avait plaidé pour moins de publicité dans les médias de service public. “La pression publicitaire est le reflet d’une société de surconsommation. Notre parti Ecolo veut réduire la publicité, comme c’est le cas dorénavant sur la tranche matinale de la Première. Nous voulons plus d’éthique dans la publicité, moins de sexisme, moins de femmes objets et d’hypersexualisation.”
Le nouveau contrat de de gestion de la RTBF va entrer dans la phase des travaux parlementaires. “La nouvelle note d’orientation vise à renforcer le média public, par la production audiovisuelle propre à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle vise aussi à développer l’éducation aux médias, renforcer l’information de qualité, avancer sur les questions de genre et de diversité. Mon travail vise avant tout à garantir le pluralisme des médias.”
Le souvenir de jeunesse ? “Fort impliquée au patro Sainte-Thérèse à Anderlecht, j’ai été portée par cette notion d’être engagée dans quelque chose. J’en garde de solides amitiés. Les mouvements de jeunesse, ce sont des lieux à préserver et soutenir. Il y a trois lieux éducatifs essentiels : la famille, l’école et tout ce qu’on peut vivre en dehors.”
Le visage ? Rosa Parks, une femme qui a défendu le droit des noirs en Amérique. Elle aussi été façonnée pour plus de justice sociale par sa mère, infirmière et enseignante, et son père, journaliste dans des ONG.
Le film ? “Une vie d’aimante”, une comédie dramatique, qui illustre les talents cinématographiques belges et qui traite de la fin de vie avec Alzheimer. “Plutôt que d’aller vers une médicalisation à outrance, comment soutenir les
soins de première ligne pour assurer la dignité de la fin de vie ?”.
Le livre ? La bande dessinée “Ne m’oublie pas” d’Alix Garin. La grand-mère de Clémence souffre de la maladie d'Alzheimer. Face à son désespoir, elle prend la décision de l'enlever de la maison de retraite et de prendre la route en quête de l'hypothétique maison d'enfance de sa mamie.
Le lieu ? Elle aime se ressourcer à la “Case Bois Chéri”, à Enghien, une épicerie, un salon de thé et un atelier de restauration de meubles avec une touche de l'île Maurice, tenu par sa collègue échevine Ecolo. Elle aime aussi fréquenter l’énorme parc de 90 hectares actuellement ouvert gratuitement au public. Elle cite deux sources de régénération: “D’abord aller marcher, souvent toute seule, et ensuite, passer du temps dans ma grande famille, en particulier avec les repas des petits-enfants entre cousins et cousines”.
Une citation ? “Il n’y a pas de problèmes mais que des solutions.”
Qui est Dieu pour vous ? “C’est compliqué comme question. Il ou elle a fait partie de ma vie. Aujourd’hui ce n’est plus le cas ou alors je ne m’en rends pas compte. Ce peut être un ciment dans la vie de certaines personnes et synonyme de liens sociaux”.
L’ancienne professeur de français et de religion à Anderlecht durant 6 années répond : “c’est une question importante. Je suis persuadée que l’on doit renforcer au sein de l’école les questions de citoyenneté et d’éducation aux médias. Devons nous continuer à avoir des enseignements philosophiques et religieux séparés comme dans l’enseignement officiel ou avoir des cours communs où toutes ces questions de sens peuvent être abordées ? Multiplions la transversalité entre les mondes de la culture, de l’école, et des autres lieux éducatifs, comme le sport qui développe les valeurs collectives. Luttons contre la fragmentation de la société.”
La ministre des médias se mobilise pour davantage de régulation encadrant les grands médias ou plateformes internet, tandis que les médias classiques belges ont beaucoup de contraintes. “C’est fondamental de travailler sur la régulation des grands groupes internet. Au niveau européen, le “Digital Service Act” est en cours de développement avec des contraintes et des sanctions.” Également ministre de la petite enfance, elle s’exprime sur la problématique des sites pornographiques librement accessibles par les enfants alors qu‘ils sont bloqués dans certains pays: “nous y travaillons au niveau fédéral. On ne peut pas laisser faire cela, laisser le libre champ à ces grands groupes internet. Protégeons aussi nos enfants par l’éducation aux médias.”
Dans son combat pour les droits des femmes, elle voit encore de grandes inégalités, comme par exemple dans la nomination des postes de direction dans le secteur de la culture. Sur la question du vote des chrétiens, elle dit “Ecolo est traversé par le progressisme, l'ouverture et la solidarité. La solidarité au cube: ici, là-bas et demain. Ce sont des valeurs humanistes mais aussi chrétiennes.“
“Personne ne peut prédire précisément quand la FM s’éteindra. Le passage au DAB+ est un processus en cours porté par les radios elles-mêmes. La qualité d’écoute est meilleure en DAB+. Il me semble logique que l’écoute se développe en DAB+, notamment pour aller toucher des personnes qui ne captaient pas encore la FM jusque-là. Nous soutenons cette transition.”
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