Explosion démographique, augmentation des conflits territoriaux, apparition des inégalités sociales, installation du rapport de domination de l'Homme sur la nature... Tout cela, on le doit à la révolution néolithique, il y a 10.000 ans. Peut-on dire pour autant qu'elle a été une catastrophe ? Réponses de l'archéologue Jean-Paul Demoule.
Aurions-nous dû rester des chasseurs-cueilleurs ? Il est "très à la mode", observe Jean-Paul Demoule, de dire que la révolution néolithique a été une catastrophe, à l'instar de l'historien israélien Yuval Noah Harari. Dans un contexte d'effondrement et de crise écologique, on lui reproche de nous avoir conduits tout droit vers l’anthropocène, ce nouvel âge de la terre que l'on mesure à partir de l'impact de l'activité humaine. Explosion démographique, augmentation des conflits territoriaux, apparition des inégalités sociales, installation du rapport de domination de l'Homme sur la nature... Tout cela, on le doit à la révolution néolithique, il y a 10.000 ans.
La violence entre les mâles humains a toujours existé, y compris chez des populations de chasseurs-cueilleurs...
Pourquoi l'être humain s'est-il sédentarisé ? En même temps que le climat s'est réchauffé après la période glaciaire, l'Homo sapiens "a continué à évoluer en complexité psychique", explique Jean-Paul Demoule, archéologue et préhistorien, spécialiste de la protohistoire. Sapiens a la particularité d’être de nature "très curieuse". "On sait qu’ils ont fait des expérimentations en agriculture et domestication des animaux."
Avant cela, il arrivait que des groupes de chasseurs-cueilleurs se sédentarisent. Par exemple sur les bords de lacs ou de fleuves, où la nourriture - poissons, coquillages... - était abondante. Ce qui change au Néolithique, la révolution dont on parle, c'est bien le développement de l'agriculture et de l'élevage.
Au Néolithique, la sécurité alimentaire favorise une augmentation exponentielle de la population. "On sait que les chasseuses-cueilleuses nomades ont en moyenne un enfant tous les trois, quatre ans à peu près, alors que les agricultrices des sociétés traditionnelles - c’était encore vrai dans la France rurale de la première moitié du XXe siècle - ont pratiquement un enfant tous les ans, même si beaucoup mourraient en bas âge."
Qui dit explosion de la natalité dit augmentation des conflits car il faut trouver de nouveaux territoires où s'établir. Mais la violence n'a pas commencé au Néolithique. "La violence entre les mâles humains a toujours existé, rappelle Jean-Paul Demoule, y compris chez des populations de chasseurs-cueilleurs... Notamment pour enlever des femmes, qui est une constante de l’histoire humaine."
La pression démographique oblige aussi à trouver de nouvelles ressources alimentaires. L’innovation est permanente chez les sédentaires. "Parce qu’on n’a pas le choix..."
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À quelques exceptions près il n’y avait pas d’inégalités entre les êtres humains au début du Néolithique. Ce n’est qu’au bout d’un certain temps, vers 4.500 avant notre ère, que l'on voit apparaître des différences. Les archéologues ont pu constater que certains ont été enterrés avec de l'or et que ont eu droit à un dolmen recouvert d’un tumulus.
Ainsi, là où le chasseur cueilleur nomade ne pouvait pas posséder beaucoup, la sédentarisation a développé l’accumulation et la possession. "Il n’y a rien de spécial à posséder avec le nomadisme, explique Jean-Paul Demoule, à partir du moment où on est de plus en plus nombreux, on va pouvoir commencer à produire des choses inutiles qui vont être des marques du pouvoir."
À partir du moment où on est de plus en plus nombreux, on va pouvoir commencer à produire des choses inutiles qui vont être des marques du pouvoir
Au temps des chasseurs cueilleurs, on était animiste et, pour le dire simplement, on vénérait des esprits. On le voit dans les représentations rupestres, l'être humain n'était qu'un être parmi d'autres dans la nature.
À partir de la sédentarisation, s'est introduit un rapport de domination. "Les représentations animales deviennent très minoritaires, on va représenter surtout de l’humain", note l'archéologue. L'idée de l'Homme maître et possesseur de la nature s'est imposée et "ce n’est que depuis quelques années en Occident" que l'on revient dessus.
À mesure que les sociétés se développent, elles se hiérarchisent et les croyances évoluent. Dans les religions polythéistes les hiérarchie entre les dieux est à l'image de celle qui régit la société. "La création de ces religions en parallèle est une manière de comprendre le monde à partir de la grille de la société telle qu’on la conçoit."
Faut-il donc blâmer la révolution néolithique ? On peut penser, comme Jean-Paul Demoule, que sans elle nous ne serions pas là. Et surtout, étudier cette période nous aide à penser notre avenir. "Les inventions techniques sont ce que les sociétés en font, estime l'archéologue, un certain nombre de sociétés sont allées dans le mur par une mauvaise gestion de l’environnement et apparemment c’est que ce que nous sommes en train de faire..."
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