Pourquoi y a-t-il eu autant de violence lors de la crise des "gilets jaunes" ? Et qu'en pensent les policiers ? Tenus par un devoir de réserve, ceux-ci n'ont par le droit de parler. Il a fallu un an au journaliste Mikael Corre pour recueillir leurs impressions. Il s'est immergé dans le quotidien d'un commissariat à Roubaix pour réaliser une enquête au long cours.
Alors que le journalisme est menacé par l'intelligence artificielle ou les coupes budgétaires, qui limitent toujours plus la durée des reportages sur le terrain, Mikael Corre s'est immergé durant un an dans un commissariat à Roubaix. Son enquête est parue dans La Croix L'Hebdo en janvier 2022. Il en a fait un livre, "Le Central" (éd, Bayard, 2023).
Enquêter sur les violences policières auprès des policiers. L'idée est venue lorsqu'au sein de La Croix L'Hebdo, on s'est demandé pourquoi il y avait eu autant de violences pendant la crise des "gilets jaunes". "J’ai voulu travailler cette question par la voix des policiers : on ne les entend pas", explique Mikael Corre.
Chaque semaine, le magazine La Croix L'Hebdo permet à des journalistes de publier un très long article de 30.000 signes, ce qui est "colossal", estime Mikael Corre. S'il y a bien une chose dont il est reconnaissant envers sa rédaction, c'est de lui avoir donné l'opportunité de mener cette enquête, à une époque où les coupes budgétaires limitent toujours plus la durée des reportages sur le terrain. "Ce travail journalistique est une chance !" Et une marque de confiance, se réjouit le journaliste.
Tout au long de l'année 2021, Mikael Corre s'est donc rendu régulièrement à Roubaix. Si les policiers ont un devoir de réserve, le journaliste a le droit de leur poser des questions. Les réponses sont "anonymisées", prévient-il. Les sanctions administratives peuvent vite tomber dans la police...
C’est un métier qui manque parfois cruellement de sens : un commissariat, c’est une grosse usine où le travail est taylorisé
"En arrivant, je ne savais pas comment fonctionnait un commissariat", confie Mikael Corre. Pour lui, le débat sur les violences policières est légitime tant qu’il est mené en connaissance de cause. "J’ai voulu raconter les policiers à hauteur d’hommes." Dire qui ils sont et quelles sont les questions qui les traversent. De semaine en semaine, le reporter a su gagner leur confiance - "l’avantage du temps long", dit-il. Une façon aussi d'être à l'écoute de la "vie ordinaire" des policiers, ces hommes et ces femmes à qui il arrive de devoir interpeller des personnes qu’ils connaissent... Mais Mikael Corre retient aussi l'humour des policiers, les moments de vie partagés et la solidarité qui émane de la brigade de Roubaix.
À Roubaix, il voit que certains policiers ne font que des interpellations, puis relèguent les dossiers à leurs supérieurs. "En cela, c’est un métier qui manque parfois cruellement de sens : un commissariat, c’est une grosse usine où le travail est taylorisé." De son enquête, Mikael Corre retient que la police est plus là pour contenir la délinquance que pour la faire baisser. "La police n’a jamais été là pour réparer la société..."
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