Alsace
Jusqu'au 4 mai, l'exposition itinérante "Antoine de Saint-Exupéry, un petit prince parmi les hommes" pose ses valises à Strasbourg. A cette occasion, son descendant Olivier d'Agay chargé de son héritage nous parle de son lien avec la capitale alsacienne.
RCF Alsace : En 1921, Antoine de Saint-Exupéry passait son brevet de pilote militaire au Polygone, à Strasbourg. Il était donc naturel que l'exposition s'y installe ?
Olivier d'Agay : C'est ici qu'il a passé son brevet d'aviateur. C'était un brevet militaire qui va consacrer sa carrière d'aviateur. Dans l'exposition, on voit qu'elle a démarrée à ses 12 ans puisqu'il a pris son baptême de l'air sans la permission de mon arrière grand-mère. Mais c'est à Strasbourg qu'il a vraiment appris à voler. Au-delà de ce lien historique, il y a un attachement très fort de l'Alsace au Petit Prince, qui a de multiples traductions (parmi les 630 versions, ndlr) en alsacien du Nord, du Sud et du Centre. D'ailleurs, le Parc du Petit Prince est à Mulhouse. On est particulièrement ravis justement que cette exposition arrive à Strasbourg et puisse permettre aux admirateurs alsaciens, y compris de nos amis allemands de l'autre côté de la Forêt-Noire, qui sont de grands admirateurs, puissent venir voir cette expo.
RCF Alsace : Le visiteur découvre les salles en suivant la voix de la mère de Saint-Exupéry, une manière de lui tenir la main puisqu'il est invité à retrouver son âme d'enfant tout au long de l'exposition. En quoi consiste cet esprit d'enfance chez Saint-Exupéry ?
O.A. : Il ne faut pas oublier que, comme l'a dit Saint-Exupéry, "tous les adultes ont été des enfants, mais peu d'entre eux s'en souviennent". Ce genre d'exposition nous permet justement de nous souvenir de notre enfance, non pas retomber en enfance, mais retrouver les valeurs qui étaient les nôtres à ce moment -à et qu'on a un peu oubliées avec les contraintes de l'âge adulte. C'est un peu ce que fait le personnage du Petit Prince en permanence, ainsi que les animaux du conte. Pour autant, ils nous rappellent aux réalités intangibles, telles que la préoccupation de la santé de la planète et le lien entre l'humanité et la création. Le Petit Prince, icône de défenseur de la planète, était déjà dans l'esprit de mon oncle.
RCF Alsace : Le lien entre les hommes le préoccupe également.
O.A. : Evidemment ! Le lien entre les hommes d'abord, entre les hommes et la nature ensuite, le lien entre les hommes, puis entre les hommes et un Dieu supposé. Saint-Exupéry n'était pas croyant, mais il croyait à une forme de spiritualité à base de dépassement de soi.
RCF Alsace : Dans cette exposition, le personnage du Petit Prince et Antoine de Saint-Exupéry, c'est tout un. Mais de quel type de royauté s'agit-il ?
O.A. : C'est une royauté de l'esprit. Évidemment, il n'est pas question de régner sur une planète comme le fait le personnage du roi de façon complètement absurde ou le businessman qui règne sur les étoiles (dans le Petit Prince). Saint-Exupéry tourne en ridicule toutes ces tentatives de régner sur quelque chose de complètement illusoire. Non, c'est le règne de l'esprit qui exprime l'Humanité. L'homme pourrait justement mieux se développer en régnant sur lui-même, à travers les puissances de l'esprit. C'est ce qu'a essayé de faire Antoine tout au long de sa vie et on le voit dans l'exposition. Nous sommes plongés dans différents univers très différents : la guerre, l'histoire de l'aéronautique, l'histoire du journalisme, du cinéma et puis le côté du philosophe. Accéder à quelque chose de supérieur en terme de de réflexion, que ce soit à travers l'avion, ou dans tout ce qu'il faisait. En fait, il essayait d'élever l'Humanité.
RCF Alsace : L'exposition tente de faire le tour de ce personnage à multiples facettes, notamment à travers des témoignages de celles et ceux qui l'ont connu. Finalement, sait-on qui était réellement Saint-Exupéry ?
O.A. : Cela fait 20 ans que je le fréquente quotidiennement mais je pense que si je le rencontrais aujourd'hui, je serais très surpris parce qu'on ne connaît pas son intimité ! En plus, il a beaucoup évolué dans sa vie : il n'a rien à voir entre Citadelle et Courrier Sud. Sa vie reste un mystère.
RCF Alsace : Entre le pilote et l'écrivain qu'il était, un point commun : celui de prendre de la hauteur pour mieux appréhender le monde et coller à la réalité, notamment lors de ses dernières missions où il a permis la prise de photos aériennes.
O.A. : La terre vue du ciel ! Il y a toujours un souci chez lui de coller quand même à la réalité, de garder une certaine simplicité. Dans le Petit Prince, il invité à se méfier des baobabs. Les baobabs représentent le totalitarisme à l'époque, les nazis, les régimes totalitaires. Pour lui, il ne faut pas laisser pousser les mauvaises graines, il faut séparer les séparer des bonnes graines. Saint-Exupéry craignait les puissances du mal. C'est son côté enfant aussi qui n'a jamais réussi à quitter vraiment. Comme il disait, "je suis d'un pays et mon pays, c'est l'enfance."
RCF Alsace : Comment peut-il nous inspirer aujourd'hui ?
O.A. : Le Petit Prince est incroyablement moderne dans le monde entier. Il apporte beaucoup d'espoir à beaucoup de gens. Nous avons besoin des valeurs d'engagement qu'il incarne aujourd'hui, notamment sa conviction qu'il y a quelque chose qui nous dépasse, qu'on doit tendre vers ce dépassement parce que cela nous rend plus heureux. Ce dépassement donne un sens à la vie, comme il disait. C'est un sens à la vie et un sens à la mort. En écrivant Le Petit Prince, Saint6exupéry a passé le message à des centaines de millions de gens qui l'ont lu à travers les générations, toujours d'actualité aujourd'hui.
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