Pionnière, la Haut-Savoyarde Marion Poitevin l’a été à plusieurs reprises dans son domaine qu’est l’alpinisme. Dans un livre, "Briser le plafond de glace" (éd. Paulsen), elle raconte le machisme de ce milieu mais aussi le plaisir grisant de l’alpinisme et ouvre la voie à d’autres femmes.
Bien qu’il n’y ait pas de grands alpinistes dans sa famille, Marion Poitevin a découvert les joies de la montagne très tôt, grâce à un entourage très sportif qui lui fait tester presque tous les sports de montagne avant ses 10 ans et l’a éduquée de la même façon que son frère. "Être une petite fille, ce n’était pas du tout une excuse pour avoir peur ou froid", se souvient-elle à propos de sa première sortie d’alpinisme avec son père.
D’ascensions en ascensions, elle éblouit par le spectacle que lui offre la nature et ressent l’envie d’aller explorer d’autres sommets. Mais elle se rend compte rapidement du plafond de verre qui obstrue le chemin des femmes dans le milieu de l’alpinisme, où les hommes se montrent excluant envers elles, en faisant leurs ascensions entre eux. "On est peu nombreuses à avoir témoigner, j’ai longtemps douté. Je me disais que je n’étais pas assez forte. Mais ce que je vois aujourd’hui c’est qu’il y a de plus en plus de femmes alpinistes avec un très grand niveau technique, mais elles partent entre elles malgré tout, car il n’y a quasiment jamais de cordée mixte", déplore la guide de haute montagne. Tout en précisant que seule une minorité d’hommes lui ont "mis des bâtons dans les roues".
En alpinisme, il faut de la chance, de l’intuition, il faut bien regarder les faces, être créatif et puis il y a aussi la météo qui rentre en compte
Il n’aura pas fallu longtemps à cette femme éprise de liberté pour se rendre compte que "le fait qu’une femme est moins forte, cela fait partie des clichés qu’on a intégrés. Ce qu’on voit aujourd’hui en alpinisme, c’est que des femmes arrivent à faire des performances exceptionnelles au-dessus des hommes. Donc c’est qu’il n’y a pas que la force physique. En alpinisme, il faut de la chance, de l’intuition, il faut bien regarder les faces, être créatif et puis il y a aussi la météo qui rentre en compte", détaille-t-elle.
Douée et passionnée, Marion Poitevin s’est rapidement fait sa place. Jusqu’à intégrer l’équipe de France féminine d’alpinisme. C’est là qu’elle est repérée par un commandant du groupe militaire de haute montagne (GMHM). Elle est alors la seule à postuler et est sélectionnée pour intégrer en 2008 ce groupe d’élite. Quatre ans plus tard, elle devient instructrice de l’école militaire de haute montagne. Là aussi, elle est confrontée au machisme de certains. "Même si l’armée fait des efforts, il y a quand même quelques dysfonctionnements, on ne peut pas se voiler la face", affirme-t-elle.
En 2016, Marion Poitevin rajoute une nouvelle corde à son arc en devenant la première femme CRS et secouriste. Depuis, elle sauve des alpinistes coincés ou blessés en montagne, en partant à pied ou en hélicoptère. Ce qui rajoute, dit-elle, "une dimension de risque en plus. Cela demande des manipulations hyper dangereuses, mais aussi hyper grisantes". Celle qui est maman d’une petite fille de trois ans et enceinte d’un autre enfant, l’admet : elle est un peu "fêlée". "On a besoin de ce petit moment électrique. On n’y va pas pour le risque, ça fait partie du job. Mais c’est intéressant ce moment où on doit se concentrer pour diminuer le risque au maximum", explique-t-elle.
Aujourd’hui, elle a définitivement renversé le plafond de verre, en créant l’association Lead the climb (LTC), qui s’adresse uniquement aux femmes alpinistes et leur propose notamment des « formations au leadership et à l’autonomie dans les sports de montagne ». De quoi les aider à prendre leur place en haut des cimes.
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