Dimanche 12 mars, l’exposition « Carnets Kanak, Voyage en inventaire de Roger Boulay » a fermé ses portes au musée du Quai Branly- Jacques Chirac à Paris. C’est presque le travail de toute une vie pour l’ethnologue Roger Boulay et pour le président du musée Emmanuel Kasarhérou, lui-même kanak. Le premier est venu raconter cette incroyable mission scientifique qui l’a occupé depuis 1979, au micro de Thierry Lyonnet.
C’est une aventure en deux étapes ou plutôt deux grandes périodes de recherches, qui a commencé en 1979. Cette année-là, Roger Boulay est invité en Nouvelle-Calédonie pour rencontrer Jean-Marie Tjibaou, qui était une sorte de « grand animateur culturel », pour reprendre ses mots. Celui qui deviendra ensuite militant lui confie alors la mission de recenser les objets kanaks dispersés dans les musées du monde entier. Son souci était de savoir où était de savoir où se trouvaient ces collections, dans quel état elles étaient conservées et ce qui était dit du monde kanak dans leur présentation.
A l’époque, « l’état de la culture kanak est plus que préoccupant, puisqu’il y a quelques pièces qui sont montrées au musée de Nouméa mais il est pratiquement impossible de voir des objets ou de la sculpture traditionnelle dans les villages », présente l’ethnologue qui s’est d’abord intéressé à l’architecture des maisons kanaks.
S’il y avait si peu de traces de l’art et de la technique kanak, c’est parce ce peuple autochtone mélanésien a été enfermé dans des réserves depuis le milieu du XIXe siècle jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale. « Ces pauvres gens étaient rassemblés de manière aléatoire et sans considération de l’endroit d’où ils venaient. Or, on sait que dans la culture ancienne kanak, l’endroit dont l’ancêtre primordial vient est extrêmement important. Conséquence, ils ont complétement perdu leurs repères territoriaux », relate le spécialiste du Pacifique. Etant enfermés, ils n’avaient plus accès aux forêts dans lesquels ils trouvaient le bois nécessaire à leur création. Ainsi, la transmission du métier de sculpteur s’est peu à peu éteinte. Là où les chants ont continué à se transmettre.
La mission était donc de taille pour Roger Boulay, qui devint alors collaborateur de l’Agence du développement de la culture kanak. « Le but, c’était de reconstruire une mémoire qui soit la plus complète possible de ce qui faisait cette culture matérielle », détaille-t-il. Plus de vingt ans de travail lui furent nécessaires pour faire une première liste des objets exposés en France et en Europe. Une recherche initiale qui se concrétisa par une première exposition à Nouméa en 1990, appelée « De jade et de nacre ».
En 2010, ce projet de recherche prit une nouvelle dimension quand le gouvernement de Nouvelle-Calédonie demande à Emmanuel Kasarhérou, alors chargé de mission de l’outre-mer au museé du quai Branly d’assurer la direction de l’opération IPKD, pour « Inventaire du patrimoine kanak dispersé », qui permettrait de terminer l’exhaustivité de l’inventaire déjà entrepris.
Avec un budget plus conséquent et une équipe de cinq personnes, Roger Boulay a pu mener à bien sa mission. 225 musées possédant des objets kanaks ont été recensés dans le monde, dont 157 en Europe. Près de 20000 objets kanaks sont passés entre les mains de l'équipe et plus de 6000 d’entre eux ont été retenus pour en faire des fiches pour chaque objet. C’est-à-dire plusieurs pages avec « des descriptions fines, complètes, accompagnées d’une trentaine de photos, de croquis et d’une biographie si on peut l’avoir concernant chaque objet », explique l’ethnologue. Ce sont ces croquis qui ont justement été exposés au musée du Quai Branly pendant plusieurs mois. Un livre éponyme à l'exposition les rassemble désormais.
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