Décédé ce lundi 3 juillet à l’âge de 100 ans, Léon Gautier, le dernier survivant des 177 Français ayant participé au débarquement de 1944, était un héros de la Seconde guerre mondiale médiatisé. Rose Valland est elle aussi une héroïne de cette guerre. Mais une héroïne méconnue, malgré son rôle majeur dans la restitution des œuvres d’art spoliées aux Juifs. Un destin incroyable qui lui vaut aujourd’hui un livre.
C’est le récit d’une vie passionnante au service de l’art et de l’humanité que Jennifer Lesieur fait découvrir dans son dernier livre : "Rose Valland, l'espionne à l'œuvre" (éd. Robert Laffont, 2023). L’auteure de biographie s’était pourtant jurée de ne jamais travailler sur la Seconde guerre mondiale, cette période bien trop complexe à ses yeux. Il aura fallu la persuasion de son éditrice et quelques recherches pour que cela fasse « tilt » dans sa tête. « Elle m’a parlée de cette femme avec un destin décalé et étrange et moi j’aime ces personnalités décalées qui sont devenues totalement autre chose que ce à quoi elles étaient destinés », sourit-elle.
Il faut dire que rien ne prédestinait cette jeune femme discrète, attachée de conservation bénévole au musée du Jeu de Paume à Paris, à devenir une héroïne. C’est pourtant cette qualité qui l’a sûrement aidée dans sa mission confiée par un conseiller des directeurs des musées nationaux. « Elle était surveillée mais son aspect un peu effacé n’éveillait pas les soupçons. Et elle a pu comme ça au nez et à la barbe de la gestapo, récupérer des carbones dans les corbeilles à papier, des photos, des adresses de destinataires, d’expéditeurs et surtout la localisation des œuvres », explique l’auteure.
Rien ne l’arrête. Et cette espèce de rage de justice va lui donner beaucoup d’imagination
Pendant des mois, Rose Valland s’attelle à sa tâche avec une conviction : « la France finira par gagner cette guerre et elle ira en Allemagne récupérer les œuvres ». Sa prédiction devient réalité, si bien qu’à la Libération, elle se rend dans le pays vaincu, non sans difficulté. « Elle devient un peu une deuxième Rose Valland. Elle fait preuve d’une combativité et d’une audace incroyable », affirme Jennifer Lesieur.
« Elle n’avait peur de rien, ni de personne », ajoute-t-elle. Pas même des alliés russes qui refusent de coopérer dans sa recherche de dépôts d’œuvres d’art dans leur zone. « Qu’à cela ne tienne, elle y va en clandestine pour essayer de retrouver des œuvres enterrées, cachées dans la forêt », poursuit Jennifer Lesieur.
Seule et malgré les obstacles, la fonctionnaire du musée parvient finalement à sauver et restituer pas moins de 60.000 œuvres d'art. « C’était vraiment sa mission de vie. Pour elle, c’était une question de justice totale pour les familles juives, pour les victimes de la guerre et pour les musées », commente la biographe.
Pourtant son rôle majeur dans la restitution des œuvres n’aura pas permis de la rendre célèbre. Peut-être en raison de son trait de caractère peu enclin à se mettre en avant, mais surtout parce que la justice n'alla pas vraiment dans son sens. En effet, « les principaux dirigeants de ces spoliations ont été acquittés et ont continué leur marché très lucratif de vendeurs d’art bien après la guerre », explique l’auteure. Grâce à ce livre, elle contribue enfin à lui rendre l’hommage et la notoriété qu’elle mérite.
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