"Saint-Exupéry, un Petit Prince en exil" de Jean-Claude Perrier, chez Plon, par Christophe Henning

"Dessine-moi un mouton" dit le Petit Prince. Et vous connaissez la suite, cette histoire fabuleuse de ce petit bonhomme blond, qui a bercé notre enfance et que nous devrions relire encore et encore, ce conte qui est le deuxième livre le plus vendu au monde après la Bible, qui est traduit en plus de 475 langues… Nous nous apprêtons à commémorer la mort de son auteur, il y a 80 ans, Antoine de Saint-Exupéry, mort le 31 juillet 1944, à l’âge de 44 ans, abattu par un avion ennemi au-dessus de la Méditerranée.

Il nous a laissé ce petit livre qui est déjà en lui-même toute une histoire que nous raconte Jean-Claude Perrier. Car vous n’êtes pas sans savoir que c’est aux Etats-Unis qu’est né le Petit Prince. Alors que la guerre fait rage sur le continent européen, Saint-Ex, comme disent ses amis, vit à New York. Il ne fuit pas et réclama d’ailleurs l’autorisation de repartir au combat en 1943. Mais entre-temps, il travaille. Déjà reconnu dans le milieu littéraire avec Courrier Sud, Vol de Nuit ou Terre des hommes qui lui vaut le grand prix du roman de l’Académie française, Saint-Exupéry continue d’écrire et donne vie au Petit Prince. On apprend d’ailleurs que l’écrivain avait l’habitude de dessiner par-ci par-là "un petit personnage ailé qui lui ressemblait et le fascinait," expliqua par la suite son éditeur. 

Vous êtes en train de nous dire que le Petit Prince existait avant le Petit Prince ?

Exactement, accompagnant longtemps son auteur : "Antoine de Saint-Exupéry a toujours écrit et dessiné. Il a écrit comme il a vécu, sans compter, dans l’urgence et les tourments." précise Jean-Claude Perrier qui nous raconte cette vie mondaine et littéraire des Français de New York, alors même que l’écrivain était aussi un aviateur passionné, un amoureux transi, un résistant impatient. C’est durant cette période troublée, lui qui est facilement découragé, qu’il va écrire ce petit livre si lumineux, bouleversant, unique. 

Écrit durant l’été 1942, le Petit Prince est le fruit de l’imagination de l’écrivain, bien sûr, et se nourrit aussi des expériences de l’aviateur, notamment des jours passés dans le désert de Libye, quand il s’est écrasé dans le Sahara, c’était en décembre 1935. Un épisode qui fut l’occasion pour l’écrivain, nous explique Jean-Claude Perrier, "d’exprimer un certain nombre de réflexions métaphysiques, sur la vie et ce qu’elle doit être, sur la mort, l’amitié, la fraternité entre les êtres, si dissemblables et si opposés soient-ils." Une réflexion développée dans Terre des hommes, et qu’on retrouve encore avec Le Petit Prince.

Des convictions qu’on retrouve en effet dans Le Petit Prince et qui font son succès, parce qu’elles sont universelles ? 

Tout à fait, et un autre livre paraît ces jours-ci, signé par Alain Vircondelet qui évoque sous forme d’abécédaire la vie de Saint-Exupéry, en commençant par "Aéropostale" en conjuguant ensuite son amour pour Consuelo, faisant référence à l’enfance, à New York, à la rose et au pilote de guerre. Homme insaisissable, Saint-Ex fascine : "Il n’en faisait qu’à sa tête, malgré les mises en garde de ses amis, il fonçait comme il pilotait, sans regarder derrière lui, sans rétroviseur, il allait tout simplement."

Disparu, L’écrivain aviateur reste celui qui a conquis des millions de lecteurs, nous a invité à la rencontre de l’allumeur de réverbères, du géographe et du businessman, il nous a offert l’amitié d’un renard. Peut-être l’écriture est-elle cette passerelle qui relie encore Saint-Exupéry aux hommes, éternellement. Ce que le Petit Prince annonçait déjà, d’une certaine manière : "j’aurais l’air d’être mort et ce ne sera pas vrai…"

Saint-Exupéry, Un Petit Prince en exil, de Jean-Claude Perrier, paru chez Plon, et Alain Vircondelet raconte Antoine de Saint-Exupéry, paru chez Alisio.