La philosophe Simone Weil est morte il y a plus de 80 ans, le 24 août 1943, en pleine guerre mondiale. D'une intégrité sans faille, cette résistante n'a cessé de lier la pensée et l'action. Son cheminement philosophique nous conduit à contre-courant d'un penchant naturel de l'être humain de se mettre lui-même au centre du monde. Son œuvre invite à se décentrer pour aller vers l'autre, et vers le réel.
Simone Weil est morte il y a 80 ans, à Londres, en pleine guerre mondiale. Elle a mené une vie courte, mais ardente. Le philosophe et dominicain Pascal David nous présente la vie et l'œuvre de cette intellectuelle dont la pensée n’en fini pas de rayonner aujourd’hui. Il a accompagné la publication de textes de Simone Weil - "Désarroi de notre temps et autres fragments sur la guerre" (éd. Peuple Libre, 2016) et "Luttons-nous pour la justice ? Manuel d'action politique" (2017).
Née en 1909 à Paris, Simone Weil était une jeune femme de la moyenne bourgeoisie très cultivée. Née dans une famille d'origine juive, elle était issue d'un milieu laïc, libre penseur et de tendance centre gauche. Elle est entrée à l'École normale supérieure à l'âge de 19 ans et a enseigné la philosophie.
Elle se disait "spontanément agnostique". Mais en 1938, lors de la Semaine sainte à l'abbaye de Solesmes, elle a fait ce que Pascal David appelle "l'expérience de la réalité du surnaturel". "L'expérience du bien au-delà du monde, au-delà des rapports de force qui gouvernent notre société, de l'amour de Dieu à travers le malheur." Plus tard elle dira : "Le Christ lui-même est descendu et m'a prise."
Simone Weil avait rejoint Londres pour être aux côtés du général de gaulle et de la France libre. De santé fragile elle a succombé à la tuberculose. Mais pour Pascal David, elle est morte "également de désespoir, en particulier de ne pas être envoyée en France, pour une mission si possible dangereuse, dit-elle." La philosophe avait décidé de "ne pas manger plus que la ration alimentaire permise par les tickets alimentaires en France par solidarité avec le peuple français".
La pensée de Simone Weil touche à l'esthétique, à la métaphysique, à la philosophie politique, à l'épistémologie, et à l'engagement. Il y a chez elle, et de manière frappante, une adéquation totale, absolue, intransigeante entre la théorie et la vie. À tel point que son intégrité peut sembler presque effrayante. "Elle ne sépare pas la pensée et l'action, confirme Pascal David, elle pense à partir de son expérience, de son engagement et sa pensée l'amène à agir." À l'École normale supérieure, où elle est entrée à l'âge de 19 ans, elle faisait signer des pétitions à ses camarades en faveur du service des plus pauvres. Avec moquerie, le directeur de l'ENS l'avait surnommée "la vierge rouge".
Dans la pensée de Simone Weil, "faire attention" est à la fois un concept philosophique et une façon très concrète d'entrer en contact avec le monde. D'aller à contre-courant de ce penchant naturel de l'être humain de se mettre lui-même au centre du monde. Sa pensée permet de "sortir de soi", décrit Pascal David, de "renoncer à soi et à son point de vue et entrer en contact avec le réel".
"Faire attention", c'est aussi un exercice. "La prière, par exemple, ce n'est pas une excitation sensible, explique Pascal David, prier c'est porter sur Dieu toute son attention en attendant que quelque chose se donne." Simone Weil a été très fortement marquée par la pensée d'Alain, son professeur de philosophie au lycée Henri-IV. Mais elle a fini par prendre ses distances avec une philosophie de l'affirmation de l'être pensant. Car il y a chez la jeune femme l'idée que l'on ne prend pas le réel, que celui qui se donne. "Il y a une forme de désappropriation de soi qui est centrale, explique Pascal David, une éthique qui consiste moins à ne pas faire qu'à renoncer à faire, à s'agiter, à exercer une mainmise sur les autres."
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