Rares sont ses patients qui n'ont pas peur de la mort. Médecin généraliste depuis 40 ans, Vincent Rébeillé-Borgella côtoie la mort de près. Dans un très bel essai, aussi profond que personnel, il évoque un sujet qui devient tabou chez les soignants dès lors qu'on y met trop d'émotion. En cherchant à savoir si la mort est un échec pour un médecin, il livre son regard d'homme et de croyant. L'auteur de "Un médecin face à la peur de la mort - Soigner, guérir, sauver" (éd. Clé) répond à Monserrata Vidal.
"La mort devrait être une priorité de santé publique, elle fait partie intégrante de la vie", affirme avec malice mais néanmoins beaucoup de sérieux le Docteur Vincent Rébeillé-Borgella. À ses patients, quand le moment est venu, le généraliste n’hésite pas à adresser trois questions : Pensez-vous à la mort ? C’est quoi pour vous la mort ? Avez-vous peur de la mort ? Mais il prévient : "Pour poser ces questions il ne faut pas avoir trop peur de sa propre mort... on risque d’être un peu bousculé !"
La mort, et la peur qu'elle inspire, le médecin généraliste en est parmi les premiers témoins, depuis plus de 40 ans. Et pour les soignants, comme pour tout un chacun, la mort de l’autre nous renvoie toujours à notre propre mort. "Si j’ai peur de ma propre mort, j’ai plus de difficultés pour accompagner, être en véritable empathie." Or, il est très rare qu’un patient affirme ne pas avoir peur de la mort. Même ceux qui se disent croyants ne sont pas épargnés, note le médecin. Ce qui fait peur dans la mort de ne pas savoir ce qu’il y a après. Il y a aussi la peur d’être jugé et celle de ne pas savoir ce que vont devenir ceux que l’on aime, et de n’être plus là pour les aider.
Dans son essai Vincent Rébeillé-Borgella ne cherche pas à défendre une théorie ou élaborer des concepts, juste partager son expérience de praticien et d'être humain. Car même chez les médecins, la mort est un sujet tabou. On a beau avancer des chiffres, s’en tenir au froid constat de l’arrêt cardiaque ou respiratoire, "personne n’échappe à ses peurs archaïques", dit-il. La première fois qu’il a vu un mort, c’était en tant que brancardier à l’hôpital, quand il était étudiant en médecine. De voir des cadavres dans le local réfrigéré, avec son collègue, ils ont eu peur. "On est partis en courant dans les sous-sols de l’hôpital parce qu’on avait peur. Quelque part on avait peur que le mort se réveille !"
"Je pense que la mort est si difficile à accepter pour les médecins parce que quelque part, la mort, c’est l’échec du médecin", affirme Vincent Rébeillé-Borgella. Or, quand on choisit un métier de soin, c'est "qu’au fond on veut réparer quelque chose... Moi, j’avais trois ans, mon père était malade et j’ai dit : je veux être médecin !" Quand, pour la première fois, il a dû faire un constat de décès, Vincent Rébeillé-Borgella n'a pas pu s'empêcher de rechercher des signes de vie. Une infirmière lui a dit : "Vincent tu sais tu n’es pas Dieu !" Cette simple remarque "m’a rendu un service extraordinaire", confie le médecin. "J’ai réalisé que je n’étais pas Dieu pour sauver les gens, que mon métier ne serait pas d’empêcher la mort mais seulement de la retarder et de l’accompagner."
"La mort nous met en échec… si on considère qu’il ne se passe rien après la mort." Le Docteur Vincent Rébeillé-Borgella ne cache pas sa foi chrétienne. La phrase qui résume sa foi : "Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais." (Jn 11, 25-26). Cette parole du Christ est pour lui le plus beau message de la foi chrétienne. Celui qui nous fait croire que notre mort n’est qu’un temps de passage.
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