À l’approche de l'élection présidentielle, la demande d’euthanasie ressurgit dans le débat politique. Mais l'urgence n'est-elle pas d'informer le grand public sur les soins palliatifs et les directives anticipées ? C'est le point de vue de Sœur Marie-Sylvie Richard, religieuse xavière, médecin formatrice à la Maison médicale Jeanne-Garnier, docteure en éthique biomédicale et membre du département d'éthique biomédicale au Centre Sèvres à Paris.
L'opinion publique a été très marquée dans les années 2010 par l’affaire Vincent Lambert. Depuis 2016, la fin de vie est encadrée en France par la loi dite Claeys-Leonetti. Mais le débat est relancé au Parlement depuis la nouvelle proposition de loi "donnant et garantissant le droit à une fin de vie libre et choisie". Son examen, le 8 avril dernier à l'Assemblée, n'a pas pu aboutir devant les quelque 4.000 amendements déposés par des élus LR. Seul l'article 1er sur le droit à "l'assistance médicalisée active à mourir" a été adopté.
Le 28 septembre dernier, des élus de tous bords politiques ont manifesté à nouveau, lors d’une conférence de presse, leur volonté de voir le sujet de la fin de vie revenir dans le débat politique au cours des prochains mois - et à l’occasion de l’élection présidentielle. Leur objectif est en effet de mettre la pression sur l’exécutif. Le droit à mourir est déjà inscrit dans plusieurs programmes de gauche : aux yeux de Jean-Luc Mélenchon il est une liberté fondamentale ; il figure dans le projet 2022 de Yannick Jadot ; c'est aussi un engagement annoncé par Anne Hidalgo.
Dans les années 80, on parlait déjà de légaliser l’euthanasie. Mais on évoquait la demande d'euthanasie en réaction à l'acharnement thérapeutique. "L’acharnement thérapeutique a été le lit de la demande d’euthanasie", explique Marie-Sylvie Richard. Progressivement, les soins palliatifs se sont développés et aujourd'hui, le soulagement de la douleur peut être considéré comme "un acquis".
Puis le débat s'est focalisé sur la notion de dignité, avec deux visions opposées. D'une part celle de la dignité inhérente à la personne humaine et d'autre part celle d'une dignité que l’on acquiert et que l’on peut perdre. Un débat aujourd'hui "un petit peu passé", selon Marie-Sylvie Richard. Aujourd’hui, on ne parle plus tant de dignité que de liberté : l’être humain doit pouvoir choisir le moment et le conditions de sa mort.
Je pense pas que la seule attente des gens soit de légaliser l’euthanasie
Lors du congrès national des soins palliatifs, le 22 septembre dernier, Olivier Véran a déclaré qu'en France, les équipements et les effectifs sont insuffisants dans une trentaine de départements. "On sait que dans 30 départements il n’y a rien comme structure de soins palliatifs et que dans six régions il n'y a aucune équipe mobile de soins palliatifs", ajoute Marie-Sylvie Richard. Le ministre de la Santé a annoncé que plus de 170 millions d’euros seraient investis sur quatre ans pour répondre à ces inégalités.
Le chef de l’État s’est prononcé pour une convention citoyenne sur la fin de vie. Mais pour Marie-Sylvie Richard, qui se dit dubitative, il faut surtout informer. "On voit que seuls 18% des personnes ont rédigé des directives anticipées, beaucoup ne savent pas ce que sont les soins palliatifs…" La religieuse ajoute : "Je pense pas que la seule attente des gens soit de légaliser l’euthanasie, même si ça restera toujours une demande pour certains."
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