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Après la COP15 de la biodiversité : enfin des décisions à la hauteur ?

Un article rédigé par Marie-Astrid Barrault - RCF, le 10 janvier 2023 - Modifié le 11 janvier 2023
Je pense donc j'agisAprès la COP15 de la biodiversité : enfin des décisions à la hauteur ?

La COP15 de la biodiversité s’est tenue en décembre 2022 à Montréal sous présidence chinoise. Cette conférence a réuni les 195 pays signataires de la Convention sur la diversité biologique, l’un des trois grands textes adoptés lors du Sommet de la terre à Rio en 1992 (les deux autres textes concernaient les changements climatiques et la lutte contre la désertification). 
Que contient le texte voté à l'issue de la Cop 15 ? Va-t-il permettre d’enrayer l’effondrement du vivant ? Quel est d'ailleurs l'état de la biodiversité ? Et comment ce texte va-t-il être mis en œuvre ? 

©  David Himbert - Hans Lucas / Conférence des Nations Unies sur la biodiversité (COP15) au Palais des Congres de Montréal à Montréal, Québec, Canada, le 19 décembre 2022.© David Himbert - Hans Lucas / Conférence des Nations Unies sur la biodiversité (COP15) au Palais des Congres de Montréal à Montréal, Québec, Canada, le 19 décembre 2022.

Un constat alarmant

 

Si des réunions diplomatiques ont été jugées nécessaires autour de la biodiversité, c’est parce que des chercheurs et des scientifiques constatent et dénoncent une situation alarmante. Le chercheur et écologue Philippe Grandcolas, auteur livre Le sourire du pangolin ou comment mesurer la puissance de la biodiversité (Ed CNRS, 2020) souligne le rôle important de l’évaluation scientifique. Il explique que selon les chercheurs du monde entier, dont les travaux ont été synthétisés par l'IPBES (l'équivalent de ce qu'est le GIEC pour le climat), on traverse "une crise de la biodiversité, appelée parfois la 6ème crise d'extinction par référence aux crises qui ont eu lieu il y a des millions d'années (...) Mais ces crises n'étaient pas causées par l'Homme qui n'existait pas à ce moment-là, par contre la crise actuelle est entièrement d’origine humaine. Cette crise va cent à mille fois plus vite que les crises des temps géologiques. On est sur une extinction d'à peu près un million d'espèces à l'horizon 2050." Et l'écologue de souligner aussi la perspective d'une perte importante de "services écosystémiques", c'est-à-dire de contributions de la nature à notre vie sur terre : "tout ce que l'on considère comme allant de soi : la disponibilité de l'eau, le fait d'avoir des organismes antagonistes de ceux qui nous portent tort, de la nourriture venant des espèces sauvages, par exemple quand on pêche." 

 

Face à ces constats, les membres participants à la COP15 ont proposé de nombreuses mesures pour protéger la biodiversité. Juliette Landry, chercheuse à l’IDDRI, rappelle que la convention de Rio était "une convention sur tout ce qui a trait à la diversité biologique et qui prônait la conservation de la biodiversité, l’utilisation durable des ressources, l’accès et le partage des ressources". Dans la continuité de cette convention de Rio, la COP15 encourage les différents pays à agir en faveur de la protection de la biodiversité notamment avec la demande à la protection de 30% de la surface du globe. 

 

Autre aspect important de l'accord signé à Montréal lors de la COP15 de la biodiversité : la reconnaissance de la place essentielle des peuples autochtones, soulignant leur rôle de “gardiens de la biodiversité et partenaires dans la conservation, la restauration et l'utilisation durable”. Et Philippe Grandcolas rappelle que "les peuples autochtones gèrent 8 à 10% du territoire mondial et la COP15 a rappelé que, quand on définit des aires protégées, on doit aussi se baser sur les savoirs traditionnels et non pas évincer les peuples autochtones des aires protégées comme cela se produit encore dans certains endroits dans le monde avec le soutien de certains gouvernements et de certaines ONG dite de protection de la nature." 

 

Ne pas se démoraliser et entrer dans le temps des solutions  

 

Les mesures proposées dans l'Accord final de la COP15 relève des politiques publiques. Elles réclament une mise en oeuvre aux plans local et national, de manière différenciée selon la réalité des pays en matière de biodiversité, ce qui appelle aussi des mécanismes de soutien financier aux plus exposés et aux plus pauvres. Mais cela doit se faire de manière globale et systémique à l'échelon mondiale, tant tout est interconnecté. "Il va nous falloir une approche systémique de notre façon de consommer et de notre façon d'habiter, de construire nos logements, notre agriculture, qui est le secteur qui a le plus d'impact sur la biodiversité." affirme Juliette Landry. Et Philippe Grandcolas rappelle : "En France, la stratégie nationale sur la biodiversité va être reformulée en 2023". C'est un engagement du Ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu. 

 

Et pourtant, si les décisions de la COP15 concernent avant tout la gouvernance nationale et locale, la prise de conscience et l'action individuelles ont aussi un rôle à jouer. Ne serait-ce que pour éviter le découragement. Pour Juliette Landry, "il va falloir accepter ce constat démoralisant : nous sommes face à une crise de la biodiversité et quand on perd une espèce c'est pour toujours et ça c'est véritablement triste. En revanche, les solutions sont vraiment à portée de main, les scientifiques y travaillent. Et en tant qu'individu on peut commencer par réfléchir à des solutions qui permettraient d'être moins démoralisés en se mettant en action. On peut s'émerveiller tout simplement de la nature autour de nous, se reconnecter à la nature. Mais on n'est pas là pour démoraliser les gens mais plutôt pour leur dire que les solutions sont là et que c'est maintenant un enjeu politique, un enjeu d'arbitrages. Et pour moi finalement, c'est ça le plus démoralisant : se dire que les solutions sont là et que les arbitrages ne sont pas toujours faits dans ce sens." 

 

Philippe Grandcolas estime lui aussi que c'est le retard pris pour accéder aux solutions qui démoralise et incite certaines personnes à se détourner de la question. Il explique : "On est dans un système socio-culturel un peu pervers : la majorité des messages que l'on entend collectivement sont des messages qui ne concernent pas l'environnement. Et quand on en parle il faut bien commencer par faire un constat et ce constat est épouvantable. Donc souvent la réaction c'est stop : on a déjà notre quota de mauvaises nouvelles ! Et donc on n'a même pas le temps d'arriver aux solutions. C'est donc un vrai problème de dialogue au sein de la société. Mais les solutions fondées sur la nature appellent à plus de bonheur, à plus d'harmonie. Qui n'a pas goûté le fait d'être à l'ombre d'un grand arbre en été, de voir un beau paysage, de manger des fruits et légumes sains en circuits courts, etc. Ce sont des choses qui font partie des grands plaisirs de la vie, qui sont équilibrantes et qui sont des solutions (...) Il faut une repolarisation de nos sociétés autour des valeurs de la nature pour permettre de ne plus se focaliser sur les points négatifs et enfin passer aux solutions qui sont à portée de main". 

 

Pour aller plus loin

Le livre de Philippe Grandcolas "Le sourire du pangolin ou comment mesurer la puissance de la biodiversité" éd CNRS, 2020. 

Le site internet de l'IPBES, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques. On y trouve des contenus en Français. 

Le site internet de l'IUCN, l'Union internationale pour la conservation de la nature. Une mine d'information sur la biodiversité et notamment les solutions basées sur la nature. 

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