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Comment informer à l'heure de l'urgence écologique ?

Un article rédigé par Anne Kerléo - RCF, le 9 avril 2024 - Modifié le 9 avril 2024
Je pense donc j'agisComment informer à l'heure de l'urgence écologique ?

80% des Français.e.s se disent inquiets face au réchauffement climatique. La conscience de l'urgence climatique est donc largement partagée. Et pourtant, de l'avis des observateurs de la situation écologique, le passage à l'action -qu'il soit individuel ou collectif - est loin d'être à la hauteur de l'enjeu. Pourquoi cette distorsion et quel peut être le rôle des médias pour la combler ? Comment le travail des journaliste doit-il évoluer pour que cela devienne réalité ? L'émission Je pense donc j'agis sur RCF, se saisit du sujet. 

© Unsplash - Mika Baumeister© Unsplash - Mika Baumeister

Lou Lena Juillet est étudiante en journalisme et pour elle c’est clair, les enjeux écologiques, forcément, elle va les traiter demain. Elle estime que "ces enjeux ne sont pas assez bien traités dans les médias aujourd’hui". Sa formation lui donne-t-elle les connaissances et les outils pour traiter ces enjeux ? Pas vraiment : "on n’est pas du tout assez bien formé. On a plusieurs pistes, quelques cours qui nous incitent à nous renseigner. Mais de mon point de vue, compte tenu de l’ampleur de ces enjeux, on n’y est pas assez formé". Avec son frère et un ami, elle se lance dans quelques semaines dans un tour d’Europe à vélo "pour faire un film documentaire sur les alternatives qui existent aujourd’hui en Europe. Ca peut être des associations, un écovillage, une école un peu différente, toutes ces personnes qui réfléchissent à comment habiter notre monde de demain autrement, de manière plus durable, plus juste, plus en lien avec le vivant, plus joyeuse".  Leur but : inspirer. Et provoquer le passage à l’action. Car c’est là que les médias échouent pour l’instant. Pourquoi ? C’est la question qu’explore cette émission Je pense donc j’agis sur RCF, au cours de laquelle Lou Lena apporte son témoignage de future journaliste, aux côtés de trois autres intervenant.e.s. 

Une "Charte pour un journalisme à la hauteur de l'urgence écologique"

“Face à l’urgence absolue de la situation, nous, journalistes, devons modifier notre façon de travailler pour intégrer pleinement cet enjeu dans le traitement de l’information” : cette affirmation est extraite de l’introduction de la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique publiée en septembre 2022. Ce texte propose aux journalistes une liste de 13 invitations concrètes, par exemple : “traiter le climat, le vivant et la justice sociale de manière transversale”, “faire œuvre de pédagogie”, “enquêter sur les origines des bouleversements en cours”, “révéler les stratégies produites pour semer le doute dans l’esprit du public”, “informer sur les réponses à la crise”. Cela révèle à la fois le désir de toute une partie de la profession de proposer une information à la hauteur des enjeux et capable d’aider la société à se transformer. Et en même temps cela souligne l’immensité de la tâche et les difficultés que rencontrent les médias pour se réformer à la hauteur des enjeux. 

Grâce à cette charte et grâce à la prise de conscience croissante de la société de la nécessité d’aller vers une vraie transformation écologique, les choses avancent et plusieurs médias ont adopté des chartes internes allant dans le même sens et engagé des actions de formation de leurs rédactions. Mais les critiques adressées aux médias demeurent et le sentiment d’inachevé voire d’impuissance des journalistes qui travaillent sur l’écologie aussi. Et la transformation écologique est à la peine. Alors comment faire ? Quelles pistes pour avancer ?

Les émotions, leviers d'engagement écologique ? 

L’une des clés est de repérer les émotions suscitées dans le public par les informations données par les médias sur le climat, la biodiversité, la pollution et tous les sujets d’écologie. Et de regarder ce que provoquent ces émotions. Selon Aurélien Brest, diplômé en psychologie cognitive et en philosophie des sciences, doctorant en psychologie sociale à l’université de Bordeaux, "les émotions ont une fonction : elles nous permettent de nous adapter, de trouver une réponse à l’interprétation qu’on fait de notre environnement". Et il poursuit : "certaines émotions vont nous pousser à davantage d’action et d’autres à davantage de désengagement. La tristesse, ce sera plutôt du désengagement. Et la colère de l’engagement".

on est dans un moment où les gens, dans une certaine mesure, sont en colère

Or, ces dernier mois selon le chercheur en psychologie, "on est dans un moment où les gens, dans une certaine mesure, sont en colère". Et il commente : "c’est plutôt une bonne chose : ça veut dire qu’ils veulent qu’il y ait des changements, que ça bouge". Une intuition confirmée par une étude menée par des chercheurs de l’Université Catholique de Louvain qui ont analysé au jour le jour, durant 2 mois, les émotions d’une centaine de personnes face à la crise climatique et leur impact sur leurs actions. Résultat ? Ressentir de la colère à l’égard de la crise écologique incite les individus à adopter des comportements respectueux de l’environnement dans leur quotidien. 

Pas de transformation écologique sans solutions politiques

Mais aussi nécessaires soient-ils, les comportements individuels respectueux de l’environnement ne sont pas de nature à répondre à l’enjeu de transformation écologique de la société. Pour Christophe Agnus, vice-président de Reporters d’Espoir, association pionnière du journalisme de solutions, "il n’y a pas d’environnement sans solutions globales, et les solutions globales sont des solutions politiques. Et souvent, elles ne sont pas examinées en détail parce que c’est un peu complexe". Même son de cloche du côté d’Aurélien Brest : "Il me semble que l’enjeu est de se situer d’abord au niveau collectif et d’avoir une exemplarité des personnes au pouvoir parce que pour entamer ce type de comportement il faut que les gens aient confiance. Il faut qu’on puisse se dire : « ok, si je fais ça, alors ça va aller vers le mieux ». Et pour que cette confiance fonctionne, il faut que les gens puissent se dire : les personnes qui me demandent de le faire savent où elles vont et sont dignes de ma confiance"

Je pense donc j'agisÉcologie : enclencher la seconde au-delà des clivages

Pas de transformation écologique sans justice sociale 

Or le manque de confiance peut conduire au rejet. C'est le cas en particulier pour les personnes des catégories sociales les moins favorisées, qui se sentent souvent culpabilisées par un discours qu'elles jugent éloigné de leur réalité et de leurs préoccupations. Pour Florence Gault, journaliste indépendante, spécialisée sur les enjeux de transition écologique et solidaire, "il y a un gros travail à faire autour de la question de la justice sociale. Les enjeux écologiques restent essentiellement centrés sur la protection de l’environnement, le climat, les catastrophes naturelles, or aujourd’hui la transition écologique, sociale et solidaire nécessaire touche d’autre aspects". Elle estime que "cette question de justice sociale qui doit émerger beaucoup mieux dans le traitement  médiatique" des enjeux écologiques. 

les Français perçoivent que dès qu’on parle d’écologie c’est forcément qu'on est d’un certain bord politique

Florence Gault souligne une autre critique identifiée par différentes études sur la réception du traitement médiatique de l'écologie : ce traitement est perçu par certaines personnes comme "militant, politisé et moralisateur". Et la journaliste de commenter : "c'est intéressant de voir que les Français perçoivent que dès qu’on parle d’écologie c’est forcément qu'on est d’un certain bord politique". Pour elle et pour les autres intervenants de l'émission, ceci plaide pour une une plus large place pour la parole des scientifiques. Autre conviction : "les médias ne parlent pas assez des solutions qui existent".  Conclusion de Florence Gault : "ça veut dire qu’il faut à la fois proposer des solutions, une approche sans doute plus pédagogique parce que ce sont des sujets compliqués et difficiles à comprendre, et puis avec une place pour la parole scientifique"

La piste du "journalisme de solutions"

Comment faire concrètement ? Pour les intervenants, ce que l'on appelle le "journalisme de solutions", dont Reporters d'espoir est pionnier et dont Florence Gault est une promotrice comme  formatrice certifiée par le Solution journalism network (réseau du journalisme de solutions) est une réponse pertinente. De quoi s'agit-il ? La réponse est à écouter dans cette émission Je pense donc j'agis. 

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