L’appel de l’Abbé Pierre, en 1954, sur les ondes de Radio Luxembourg résonne encore aujourd’hui par son message d’espoir et d’engagement en faveur des plus pauvres. Ce discours va insuffler en France une véritable « insurrection de la bonté », permettant la récolte de nombreux dons en faveur d’Emmaüs, un mouvement laïc de lutte pour le logement des plus nécessiteux mais également de grandes avancées gouvernementales.
[Mercredi 17 juillet 2024, l'Abbé Pierre est accusé, dans un rapport, d'agressions sexuelles par plusieurs femmes. Les faits auraient été commis entre la fin des années 1970 et 2005, ont annoncé le 17 juillet 2024 Emmaüs International, Emmaüs France et la Fondation Abbé Pierre.]
Début 1954, la France compte officiellement 7 millions de mal-logés…. De nombreux bidonvilles se développent dans toutes les grandes villes de France et notamment aux abords de Paris et des enfants décèdent à cause du froid. Ce constat va pousser l’abbé Pierre à entrer en action : il passe sur les ondes avec son fameux appel le 1er février 1954 !
L’abbé Pierre Henri Grouès, dit l’abbé Pierre est un prêtre catholique français. Il connait de multiples vies puisqu’il est vicaire du diocèse de Grenoble en 1939, résistant pendant la seconde guerre mondiale, député à la Libération et enfin cofondateur du mouvement Emmaüs (en 1949) ! Le discours de l’abbé Pierre intervient à un moment charnière de l’histoire, peu de temps après la seconde guerre mondiale, alors que le pays se reconstruit doucement. A cette époque, les sans domicile fixe trouvent refuge dans des abris et hospices débordés. Des milliers de personnes dorment toujours dans la rue.
Dans la nuit du 3 au 4 janvier 1954, un amendement à l’Assemblée nationale est rejeté : il s’agit d’un projet de loi visant à décerner un milliard sur les 90 milliards destinés à la construction de cités d’urgence. En parallèle, à quelques kilomètres de l’assemblée, un bébé de trois mois décède à cause du froid dans le car dans lequel il vivait avec sa famille. Le 1er février, l’abbé Pierre entend parler d’une femme qui est morte la veille de froid alors qu’elle venait d’être expulsée. Son urgence à entrer en action va être redoublée par ce dernier évènement.
Par un soir de grand froid, le 1er février 1954, l’abbé Pierre prend la parole sur Radio Luxembourg lors de ce qu’on appellera communément « L’appel de l’abbé Pierre », à une heure de grande écoute. Avec son ami journaliste parlementaire Georges Verpraet, il a écrit un discours, qu’ils lisent ensemble sur Paris-Inter puis sur Radio Luxembourg. Ce discours commence par ces mots où nous pouvons percevoir une certaine émotion : "Mes amis, au secours... Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l'avait expulsée...»
Toute la philosophie de ce qu’est déjà Emmaüs, son mouvement d’aide aux plus pauvres, est résumée par cet extrait : « Il faut que ce soir même (…) des pancartes s'accrochent sous une lumière dans la nuit, à la porte de lieux où il y ait couvertures, paille, soupe, et où l'on lise sous ce titre « centre fraternel de dépannage », ces simples mots : "Toi qui souffres, qui que tu sois, entre, dors, mange, reprends espoir, ici on t'aime"
L'abbé Pierre clotûre son discours par « Grâce à vous, aucun homme, aucun gosse ne couchera ce soir sur l'asphalte ou sur les quais de Paris. », son discours se termine par ces mots forts.
Ce discours provoque une vraie prise de conscience du phénomène du mal logement en France. De nombreuses personnes donnent argent, couverture et nourriture pour les plus nécessiteux et ce, quel que soit leur statut social. Grâce à ces dons, l’abbé Pierre construira des cités d’urgence plus respectueuses des personnes. Cette « insurrection de la bonté » encourage aussi le parlement à construire de nouveaux logements. Le 4 février de cette même année, le Parlement vote à l’unanimité un crédit de dix millions de francs pour édifier rapidement 12 000 logements en France . De même, la notion de trêve hivernale voit le jour grâce à une loi de 1956, en réponse à cet appel.
Malheureusement, ce cri de l'abbé Pierre résonne encore cruellement à l’heure actuelle. Selon les derniers chiffres de la fondation Abbé Pierre, 330 000 personnes vivaient à la rue en 2022, le double de 2012. Pour autant, des initiatives existent pour aider les personnes sans-abris à avoir un autre horizon que la rue, comme les colocations solidaires Lazare où des personnes sans-abris et de jeunes actifs partagent le même toit. Depuis le début du mouvement Lazare en 2011, 772 personnes ont habité dans ces collocations .
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