En janvier dernier, nous avons franchi la 5ème limite planétaire sur la pollution chimique. C’est une information qui a fait assez peu de bruit dans les médias, sans doute parce que le concept de limite planétaire est difficile à comprendre. C'est pourtant un indicateur précieux pour réveiller les consciences en matière d'écologie.
On communique dessus depuis 2009. Le concept de limite planétaire "n’est pas un indicateur simple", admet le philosophe Dominique Bourg. Il a été mis en place pour mettre en évidence des risques de seuils d’irréversibilité. "Pour différents sujets de préoccupation environnementale", comme l’explique Natacha Gondran, ce qui est mis en évidence, ce sont les points de basculement : à partir de quand change-t-on "d’état d’équilibre" pour atteindre "un état d’équilibre potentiellement moins agréable à vivre et moins propice au développement humain que ce qu’on connaît depuis les 10.000 dernières années".
Franchir une limite planétaire, c’est "refermer derrière nous l’Holocène", comme dit le philosophe Dominique Bourg. L’Holocène c’est une période géologique commencée il y a 11.700 ans, durant laquelle le climat était suffisamment favorable pour permettre le développement de l’agriculture et l’épanouissement de civilisations. À chaque limite planétaire dépassée, on entre un peu plus dans l'Anthropocène, cette nouvelle ère où l'être humain pose une marque indélébile.
En 2015, on avait déjà franchi quatre des neuf limites planétaires, que sont le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, les perturbations globales du cycle de l’azote et du phosphore et les changements d'utilisation des sols.
La cinquième limite que nous avons franchie en janvier 2022, c’est celle de la pollution chimique ou de "l'introduction d’entités nouvelles dans la biosphère". Pour résumer, la dose de produits chimiques et plastiques dans le monde a désormais des effets irréversibles sur le vivant. Elle est telle qu'on ne peut plus revenir en arrière.
Les autres limites, celles qui n’ont pas encore été dépassées, sont : l’acidification des océans, la diminution de la couche d’ozone, les aérosols atmosphériques et l’usage de l’eau douce.
Le concept de limite planétaire a des avantages pédagogiques, il permet d'alerter les populations. Et devrait nous aider à sortir de ce que le philosophe nomme le "piège environnemental" : "Tant que l’on ne ressent pas les choses on ne bouge pas."
C'est Adrien Louandre qui, dans sa chronique Tout est lié sur RCF, site le dramaturge grec Eschyle, "il n’y a que la souffrance vécue qui nous fait apprendre". Or "toute la difficulté en matière environnementale c’est qu’on sait des choses à l’avance mais on les sait largement avant de les ressentir", note Dominique Bourg.
"Si vous aviez dit à un climatologue en mai 2019 qu’il il ferait 46°C dans un petit village de l’Hérault fin juin 2019, il vous aurait ri au nez." En matière de climat, par exemple, on ne ressent vraiment les choses que depuis 2018. Désormais de plus en plus d'événements extrêmes vont se faire sentir.
Natacha Gondran est enseignante-chercheuse en sciences et génie de l’environnement à l’école des mines de Saint-Étienne, membre de l’unité Environnement, ville et société au CNRS, et co-autrice de l’ouvrage "Les limites planétaires" (éd. La Découverte, 2020).
Dominique Bourg est philosophe, spécialiste des questions d’écologie, directeur de la revue La pensée écologique, co-auteur de "Primauté du Vivant - Essai sur le pensable" (éd. PUF) et de "Petit traité politique à l’usage des générations écologiques" (éd. Entremises, 2021).
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