"En plein milieu de l’océan, les dérivés du pétrole ont remplacé le vivant. La masse de plastique y est six fois plus élevée que celle du plancton. À l’horizon, point de dauphin ou de tortue, si ce n’est quelques cadavres. Victimes innocentes de nos sociétés voraces." Stacy Algrain rappelle que non, le plastique ce n'est pas fantastique.
L’automne s’installe dans les villes, le mercure baisse là où les feuilles tombent. L’automne, c’est la saison de la nostalgie et des belles couleurs. De la lumière qui change et des jours qui raccourcissent. Mais l’automne, c’est aussi la saison des soupes. Potiron, marron, carottes et céleri, il y en a pour tous les goûts et vous avez devant vous une vraie fan, pourvu qu’elle soit faite maison. Pourtant, il y en a une que je n’aurais jamais imaginé voir au menu du jour. Salé ? Oui, celle-ci est beaucoup trop salée.
Je ne sais pas ce qu’il a pris au chef de ce restau. Alors que j’en prends une cuillère, je vois dans ce bouillon clair un nuage de paillettes. Bleutées, de formes et de tailles différentes. Elles flottent, comme en suspension.
Il m’a fallu quelques instants pour comprendre et recoller les pièces du puzzle. Je vous raconte tout. J’étais ici chez le Chef Cousteau, dans un restaurant qui ne paye pas de mine, appelé la Table de la mer et j’avais décidé de prendre de la soupe. Contrairement à ce que la marseillaise que je suis pensait, pas question de manger une bonne bouillabaisse. Aujourd’hui, au menu c’était la version du pacifique : la soupe de plastique.
On l’appelle aussi “vortex de déchets”. Charmant nom pour définir ce qui se trouve être une surface d’environ 6 fois la France s’étendant entre le Japon et les États-Unis. Charriés par les marées et les courants marins, les débris, pour l’essentiel des microplastiques, tournoient dans une valse éternelle.
Dans ma soupe, enfin notre soupe, puisque nous sommes toutes et tous un peu responsables, 1800 milliards de fragments de plastiques pour quelque 80 000 tonnes tourbillonnent. Ici, en plein milieu de l’océan, ces dérivés du pétrole ont remplacé le vivant. La masse de plastique y est six fois plus élevée que celle du plancton. À l’horizon, point de dauphin ou de tortue, si ce n’est quelques cadavres. Victimes innocentes de nos sociétés voraces.
Le plastique, c’est fantastique. Tu parles, ça fait bien longtemps que plus personne n’y croit et pourtant… Et pourtant la terre continue à vomir inlassablement les restes de notre flemme et de notre cupidité.
Jeter, jeter, jeter. Oui, pourquoi s'embêter quand l’humanité bénéficie d’une si grande décharge.
Ce serait oublier que, dans la vie comme dans la nature, tout n’est qu’une question de cycle.
Petit plastique dérive le long du fleuve.
Petit plastique finit par atteindre l’océan.
Petit plastique avalé par le grand poisson.
Et voilà que petit plastique dans grand poisson, se retrouve sur nos tables pour parachever le cycle… Bah alors, elle est pas bonne cette soupe !
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