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À Vénissieux, les jeunes de cités se construisent un avenir avec "les Geeks du bâtiment"

Un article rédigé par Anaïs Sorce - RCF Lyon, le 26 février 2024 - Modifié le 27 février 2024
L'invité de M Comme Midi · RCF LyonLes Minguettes à Vénissieux, la référence des Geeks du Bâtiment

Certains préjugés ont la peau dure. Entre la précarité et le chômage des jeunes, la mauvaise image du quartier des Minguettes, à Vénissieux, colle à la peau de ses habitants. Pourtant, au milieu des tours, certains bâtissent leur avenir grâce aux Geeks du Bâtiment. Un dispositif lancé en 2022 par Impala Avenir Développement pour former les jeunes aux métiers du BTP en quatre mois seulement. Aujourd'hui, il fait figure d'exemple et essaime dans toute la région.

Après 400 h de formation, les jeunes sont prêts pour l'entreprise - Josh Olade via UnsplashAprès 400 h de formation, les jeunes sont prêts pour l'entreprise - Josh Olade via Unsplash

Avec un taux de chômage deux fois plus important que la quasi-totalité de ses voisins (seule la commune de Saint-Fons affiche un taux similaire) et trois fois plus important que sur l'ensemble de la Métropole de Lyon, Vénissieux fait clairement office de mauvais élève dans le classement de l'emploi. Et c'est pire encore sur le plateau des Minguettes. Pourtant, depuis deux ans, un nouvel acteur a fait son apparition au cœur du quartier : les Geeks du Bâtiment. En avril 2022, la fondation Impala Avenir Développement lançait le premier dispositif en Auvergne-Rhône-Alpes, porté par les Clés de l’Atelier et le bailleur Alliade Habitat. Le principe est simple : dispenser une formation courte de quatre mois, en pied d’immeuble au cœur du quartier Minguettes-Clochettes. En 400 heures dont 295 en plateau technique, les jeunes déscolarisés et bénéficiaires du RSA obtiennent les bases de l’électricité, la plomberie et l’enveloppe intérieure de bâtiment. Ce programme a été conçu « pour répondre à la fois aux besoins des entreprises, à ce qu'il est possible de faire dans le cadre de la formation professionnelle - l'objectif c'est pas de faire une formation au rabais - et de répondre aux attentes des jeunes avec une formation courte, basée sur le geste, en immersion où on est actifs et où on ne reste pas assis sur une chaise à avoir de l'information descendante », explique Christophe Mahais, le responsable du développement.

Redonner une place et une motivation aux jeunes

L'objectif est avant tout de redonner confiance aux jeunes et de leur montrer qu'ils sont capables de trouver leur place. Mais pour ça, il fallait impérativement se déplacer à leur porte, dans leur quartier. « Les Geeks du Bâtiment c'est un dispositif d'insertion sociale et professionnel qui va nous permettre de former en immersion donc en cœur de quartier, faire sortir les jeunes des centres de formation qu'ils ne fréquentent plus aujourd'hui et leur proposer localement, à moins de cinq minutes de chez eux, un dispositif qui va leur permettre d'apprendre les gestes attendus par les entreprises ». Né dans la région parisienne, le dispositif a été lancé presque par hasard, au détour d'une discussion dans un quartier. Un besoin de formation énoncé, la présence de chantiers BTP pendant plusieurs années et l'audace d'aller démarcher des entreprises ont permis de lancer avec succès la première formation puis la seconde dans un autre quartier avant de se développer en-dehors de la région parisienne. 

Les Geeks du Bâtiment visent à toucher ces jeunes qui « ont fini par décrocher et, pour certains, ont erré de dispositifs en dispositifs et ne s'y retrouvent plus et abandonnent. Et d'autres qui sont sortis très rapidement du système scolaire et qui attendent une réponse qui correspondent à leurs besoins » détaille Christophe Mahais. Pour intégrer le dispositif, aucun bagage n'est demandé, seule la motivation et la volonté de travailler dans le bâtiment sont nécessaires. Le soutien de la Fédération du Bâtiment est un atout pour les Geeks du Bâtiment car elle permet de prouver aux jeunes que « les entreprises sont là, les attendent et surtout que, à moyen terme, il y a la possibilité d'intégrer un emploi et de retrouver une vie normale ». À moyen terme car il leur faudra au préalable passer un « sas de remobilisation » pour découvrir les métiers et valider le projet professionnel, acquérir compétences et savoir-être nécessaires au monde de l’entreprise et effectuer une éventuelle remise à niveau et préparation à l’insertion professionnelle. Ensuite démarrent les 400 h de formation. « Si pour nous c'est court, pour eux c'est long. Pour ces jeunes qui ont du mal à se projeter, déjà se projeter à quatre mois c'est relativement compliqué », rappelle Christophe Mahais.

50 % des apprenants reprennent leurs études après les 4 mois

Proposer une formation sur la polyvalence des métiers du bâtiment permet ainsi de garder les jeunes motivés et de ne pas les perdre en cours de route, même s'ils peinent par moment. En fin de parcours, les élèves intègrent un stage en entreprise permettant aux professionnels d'évaluer le savoir-faire des jeunes autant que leurs codes. Après avoir repris confiance en eux et dans le système scolaire, les jeunes reprennent pour moitié le chemin d'une formation qualifiante à l'issue des Geeks du Bâtiment, « avec très souvent un retour vers un CAP, un bac pro en plomberie ou en électricité, des métiers qui nécessitent d'avoir un diplôme pour pouvoir exercer. Les autres se retrouvent sur les chantiers en tant qu'aide électricien, aide plombier, aide manœuvre. On est relativement francs à la fois avec les jeunes et les entreprises, on ne leur vend pas de rêve. C'est une filière qui est en tension, il y a de l'emploi mais si ensuite on veut progresser, il va falloir repasser par des cursus traditionnels et des formations diplômantes », reconnaît Christophe Mahais qui admet ne pas former des experts mais offrir une pré-qualification aux jeunes.

Aux Minguettes, le dispositif fonctionne tellement bien qu'il fait figure de référence au sein de la Fondation Impala, avec plus de 80 % de succès chez les apprenants. Leur témoignage vient ensuite encourager les autres à les rejoindre puisqu'à Vénissieux, où une nouvelle session de formation va commencer en mars 2024 : le bouche-à-oreille et le travail associatif suffisent à remplir les cycles. Les Geeks du Bâtiment reconnaissent ici le grand rôle du formateur, qui devient « un grand frère » et connaît suffisamment bien les apprenants pour gagner leur confiance. La place de l'entreprise est également centrale : « notre objectif c'est de mettre l'entreprise au cœur du dispositif pour montrer que les entreprises ont une réelle demande. Ça rassure à la fois les jeunes mais également les entreprises qui ont une vision différente de ces jeunes très souvent stigmatisés en disant "c'est un jeune de quartier, il ne se lève pas, il va jouer à la PlayStation, il passe son temps à chauffer des marches ou tenir les murs". On n'est pas du tout dans cette image. Là, il s'agit de dire aux professionnels "Venez, les plateaux techniques sont ouverts, venez vous rendre compte qu'il y a de la richesse sur vos territoires et qu'il y a des jeunes qui ont envie d'aller de l'avant et d'entreprendre" ».

Fort du succès du dispositif à Vénissieux, les Geeks du Bâtiment se sont déployés en Auvergne-Rhône-Alpes à Bourg-en-Bresse, Bourgoin-Jallieu, Vienne et bientôt Oyonnax. Une école supplémentaire pourrait ouvrir à Vaulx-en-Velin.

L'invité de M Comme Midi · RCF Lyon
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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