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"C'est la faute de l'Europe !"

RCF, le 8 mars 2024 - Modifié le 15 mars 2024
Pas si simple"C'est la faute de l'Europe !"

 

Lors du mouvement des agriculteurs de janvier 2024, l'allègement des normes européennes était au centre des revendications. Mais est-ce toujours la faute de l'Europe ? L'Union européenne n'est-elle pas le bouc-émissaire de nos malheurs ? Alors que le monde change et que l'équilibre mondial est menacé, l'institution jugée technocratique pourrait jouer un rôle essentiel de rempart et de protection pour quelque 450 millions de citoyens.

 

©Bertrand Vandeloise / Hans Lucas©Bertrand Vandeloise / Hans Lucas

Alors que l’incertitude grandit en Europe quant au devenir de son allié historique, les États-Unis, qui pourrait réélire Donald Trump, alors que le conflit s’enlise en Ukraine, les institutions européennes font figure de rempart. Mais ces institutions sont remises en cause parmi les 27. Les fameuses normes européennes étaient au cœur du mouvement des agriculteurs de janvier 2024, synonymes de complexité, de lourdeur et de surcoûts. En quoi l’Europe nous est-elle utile et de quoi nous protège-t-elle ? Le podcast PAS SI SIMPLE donne la parole à Fabienne Keller, députée européenne du groupe Renew Europe, ancienne maire de Strasbourg et députée du Bas-Rhin.

 


Pas si simple, le podcast qui promet de l’écoute, du respect et de la nuance

Dans un monde médiatique qui privilégie la culture du clash et du zapping, pas si simple aujourd’hui de faire entendre avec clarté la complexité et la nuance ! RCF, avec Le Jour du Seigneur et Les Semaines sociales de France, vous propose PAS SI SIMPLE, un podcast pour prendre de la distance avec les certitudes tout en respectant les convictions.

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Y a-t-il trop de normes européennes ?

On la dit technocratique, éloignée de notre réalité. L’Europe est vue comme une instance qui émet des normes et dicte des règles. On l’a beaucoup entendu notamment lors du mouvement des agriculteurs en janvier 2024. Y a-t-il trop de normes européennes ? Fabienne Keller, députée européenne du groupe Renew Europe, défend un système qui protège les consommateurs.

"Moi j’assume les normes dans le domaine du médicament ou de l’alimentaire, dit-elle. On achète des médicaments avec une grande confiance, mais c’est parce qu’il y a des autorités, une autorité européenne, une autorité nationale et les 27 qui sont parfaitement coordonnés." Pour Fabienne Keller "il y a sûrement des excès", mais "il y aussi beaucoup de domaines où ça nous a préservés".

L’Europe, un bouc-émissaire facile ?

"Nous avons fait de l’Europe trop souvent un bouc émissaire de nos propres difficultés", a déclaré Emmanuel Macron, le 31 janvier 2020. L’Europe est-elle le coupable facile de nos crises aujourd’hui ? "Bien sûr, répond Fabienne Keller, un coupable qui a cette caractéristique qu’il ne répond jamais : l’Europe c’est qui ?" Pour la députée, l’Europe "n’est pas organisée institutionnellement pour répondre, et elle ne veut pas le faire, parce que c’est les chefs d’État qui prennent la décision en conseil des ministres ou les élus au Parlement qui ont cette charge de parler au peuple."

D’ailleurs, en France "on ne le sait pas", souligne Fabienne Keller, mais dans les instances européennes, "la France de manière générale et Emmanuel Macron par son engagement très européen, pèse très, très lourd. Pratiquement aucune politique n’est possible sans lui." Le chef de l’État français qui aime l’idée c’est qu’au lieu de critiquer l’Europe, il faut la changer. Et les chantiers sont nombreux. "On a un paradoxe en Europe, selon Fabienne Keller, on est quand même chaque année un peu plus riches et on a de plus en plus de pauvres. Les défis sont toujours devant nous il y en a sans cesse."

 

Reconnaissons aussi ces fondamentaux que l’Europe protège

 

L'Europe, un rempart

Il faut parfois sortir du Vieux continent pour comprendre en quoi l’Europe nous protège, estime Fabienne Keller. Pour percevoir à quel point "globalement", elle "assure le libertés fondamentales d’expression, l’éducation de chacun avec une égalité d’accès…" L'ancienne maire de Strasbourg puise dans son histoire personnelle son attachement très fort à l'Europe. 

"Reconnaissons aussi ces fondamentaux que l’Europe protège", encourage l’eurodéputée. D’ailleurs, on a tendance à l’oublier, pendant la pandémie de Covid, l’Europe a permis les vaccins. C’est à l’échelle de l’Europe que les 27 ont mis en place pour la première fois dans leur histoire un plan de relance. "On est plutôt excellents face aux crises, c’est formidable !"

L’Europe continue aujourd’hui de se construire. Ainsi, "l’Europe construit sa défense parce que le monde a changé, explique Fabienne Keller, et qu’elle a un belligérant à ses portes, la Russie, qu’elle a un allié historique qui semble se retirer peut-être – j’évoque là les propos de Donald Trump sur le fait qu’il ne nous aiderait peut-être plus autant sur des fronts de guerre européenne ou au Proche Orient." Protéger les citoyens européens de la menace que peut représenter l’intelligence artificielle. "Nous sommes le premier continent à fixer des règles pour cette industrie nouvelle."

 

L'Europe a-t-elle un projet ?

En général, quand ne sait pas nommer les choses ce n’est pas bon signe. Or, depuis le début de la construction européenne on parle de communauté européenne, d’union, de l’Europe des 12, de celle des 27, de "Bruxelles"… Et si on avait du mal à nommer l’Europe parce qu’au fond on ne sait pas identifier le projet qu’elle porte ?

PAS SI SIMPLE a posé la question à la sémiologue Mariette Darrigrand. Pour elle, la construction de l’Europe en tant qu’institution a masqué des siècles d’histoire. Avant d’être une administration, l’Europe c’est d’abord un territoire vécu. L’Europe c’est le continent qui a vu et fait émerger entre les Flandres et l’Italie, de Londres à Athènes, la Renaissance, la philosophie, la pensée humaniste, l’Habeas corpus…

Sans doute la construction européenne, le projet des pères fondateurs, a-t-il masqué tout ce qui existait avant la Seconde Guerre mondiale, car il fallait reconstruire une Europe en grande partie détruite par les bombardements. "Ce terme de construction européenne est terrible, estime Mariette Darrigrand, nous sommes européens !" À l’idée d’union qui était "très forte" en 45, rappelle la sémiologue, puisque c’était "une union des gens qui avaient été ennemis", a succédé une vision économique. L’Europe des marchés a été très critiquée par les politiques. "Je pense que c’est ça qui ne va pas, quand les différents acteurs mettent des couches en fonction de leur propre paradigme."

 

Vignette du podcast Pas si simple ©RCF-Semaines sociales de France-Jour du Seigneur
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Pas si simple
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