Ce 25 mars 2025 marque les deux ans de la manifestation de Sainte-Soline, qui avait rassemblé plusieurs milliers de personnes contre l'installation de mégabassines, ces réserves d’eau destinées à l’agriculture intensive. Une mobilisation marquée par une violente répression policière, dénoncée depuis par plusieurs organisations, jusqu’aux Nations Unies. Deux ans plus tard, un collectif de sociologues réunis dans l’ouvrage Avoir 20 ans à Sainte-Soline publie un contre-récit engagé, fruit d’une enquête de terrain menée dans la foulée des événements.
Invitée de RCF Poitou, Hélène Stevens, sociologue et co-autrice de l’ouvrage, revient sur les origines de ce travail. “Le livre est né dès le lendemain de la manifestation du 25 mars 2023”, explique-t-elle. “Les violences physiques ont laissé place à un fort besoin de témoignage, notamment chez les jeunes manifestants. Un besoin de faire trace, face à une couverture médiatique que le collectif de sociologue qui s'est alors constitué a jugé partiale, stigmatisante, voire criminalisante.”
L'enquête s’intéresse spécifiquement à la jeunesse présente à Sainte-Soline, en interrogeant des participants âgés de 17 à 29 ans. Loin de l’image de “casseurs” ou “d’ultra-gauche” véhiculée dans certains médias, les auteurs ont souhaité montrer des profils diversifiés : certains manifestants vivaient leur première mobilisation, d’autres étaient déjà engagés dans des collectifs comme Extinction Rébellion ou Greenpeace.
Un point commun les rassemble toutefois : “le sentiment fort de ne pas être entendus, ni par les responsables politiques, ni par les médias”, confie Hélène Stevens. Beaucoup de jeunes interrogés expriment une perte de confiance dans l'action politique, et une inquiétude face à l’inaction climatique.
Selon la sociologue, la spécificité de Sainte-Soline réside dans l’articulation entre questions écologiques et sociales. “Derrière la contestation des mégabassines, il y a aussi la dénonciation d’un modèle agricole intensif, qui accapare les ressources naturelles au profit de grands exploitants et au détriment des petits producteurs.” Un système, dit-elle, qui participe à un déséquilibre global, entre logique capitaliste et souveraineté alimentaire.
Au-delà de l’analyse sociologique, le livre se veut une trace historique, une “petite pierre” posée pour les chercheurs, historiens et citoyens souhaitant comprendre ce moment de lutte. Un travail collectif, selon elle, qui semble aussi avoir servi de “thérapie sociologique” face au choc des violences vécues.
Chaque jour de la semaine, un sujet d’actu avec un invité interviewé par chaque radio RCF de Nouvelle Aquitaine.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !