Cette semaine, une personnalité inattendue a monté les marches du festival de Cannes : le chef Raoni. Avec son disque labial et sa coiffe de plume, ce chef d’une tribu autochtone appelée les Kayapos au Brésil, n’est pas passé inaperçu. Considérée comme sa fille adoptive, la Française Émilie Barrucand le connaît bien. Elle vient de sortir un livre intitulé "Les gardiens de la forêt" (éd. Le Cherche midi) dans lequel elle raconte le rapport de ce peuple à la nature et leur immense sagesse.
"Nous avons beaucoup à apprendre d’eux." Depuis qu’elle côtoie les Kayapos, Emilie Barrucand est convaincue que ce peuple semi-nomade vivant au cœur de la forêt amazonienne a une façon de vivre qu’il faut suivre. Sa manière de concevoir le monde a en tout cas changé depuis sa première rencontre avec le chef Raoni en 2001. Alors étudiante, celle qui est désormais ethnologue avait déjà une grande fascination pour ce peuple et de grandes ambitions pour protéger leur patrimoine. Ambitions qui lui ont d’ailleurs permis d’accéder au petit village de cette tribu, sans avoir à attendre un an ou deux les autorisations de la Funai (Fondation nationale de l’Indien).
Au contact de la tribu kayapo, Émilie Barrucand s’est confiée une mission : enregistrer sous forme de vidéos tous les savoirs et rites ancestraux afin qu’ils ne disparaissent jamais. "J’ai passé beaucoup de temps auprès des anciens et grâce à ce travail ils vont pouvoir réintégrer dans le présent des cérémonies qui avaient été délaissées dans certains villages", explique-t-elle. Des cérémonies "exceptionnelles", telles que les rites de passage de l’enfance à l’adolescence, qui consistent en une grande expédition d'un mois ou deux, pendant lequel tout le village part à la recherche de tortues à déguster lors du festin. Tortues qui ne sont mangées qu’en petite quantité, afin de ne pas dérégler la nature, insiste l’ethnologue.
C’est bien ce rapport à la nature qui la fascine. "Pour eux, l’homme est un élément de la nature. Tous les êtres sont à égalité, par exemple pour eux les animaux et les plantes ont une âme, ils vont avoir une vie comme la nôtre mais que seuls les chamans pourront voir", présente l’ethnologue. Bien sûr, les Kayapos ont besoin de manger et donc de chasser et de récolter leurs plantations. Mais cela, toujours en veillant "à prélever le minimum... et à préserver le reste pour maintenir cet équilibre et ne pas gâcher, détruire ou prendre sans limite". À ses yeux, ce devrait d’ailleurs être un modèle vertueux à suivre dans nos sociétés consuméristes. Elle l’a d’ailleurs appliqué à sa propre vie en consommant moins et mieux.
L’autre aspect de leur mode de vie à adapter à la nôtre, tient presque du développement personnel. "J’ai eu de nombreuses discussions avec eux pour savoir ce qui les rendaient heureux, raconte-t-elle, et l’un des éléments qu’ils m’ont précisés c’était la famille." Une discussion qui lui a d’ailleurs valu des réflexions étonnées des Kayapos sur le fait que nous, Occidentaux, privilégions le départ du foyer tôt, alors qu'eux prônent la cohabitation des générations. "Et ça aussi c’est adaptable à nous", affirme Émilie Barrucand, qui essaye de son côté de passer plus de temps auprès de ceux qu’elle aime et d’apprécier l’instant présent, comme le font les Kayapos.
L’éducation elle aussi n’a rien à voir avec ce que nous connaissance en Occident. Dans ce village reculé de la forêt amazonienne, les enfants sont allaités et portés jusqu’à l’âge de trois ou quatre ans. "J’ai suivi leur exemple [Émilie Barrucand a confié avoir allaité son enfant jusqu’à ses deux ans et demi, NDLR] parce que j’ai pu voir que les enfants étaient tellement bien, tellement en harmonie. Ils ne pleurent jamais là-bas", s’étonne-t-elle encore.
Pareil, sur la notion du danger, contrairement aux mentalités occidentales qui voudraient protéger à outrance les enfants, les Kayapos "parlent de tout avec les enfants. Ils vont leur montrer les dangers et comment s’y adapter mais ils ne vont pas les couper en les empêchant de faire-ci ou ça. Ce qui fait des enfants vraiment confiants, débrouillards, qui savent faire pleins de choses", assure Émilie Barrucand, qui ne s’est jamais sentie aussi libre que depuis qu’elle suit les préceptes de cette tribu. Et ce, même à Marseille où elle vit une partie de l’année, lorsqu’elle n’est pas en compagnie du chef Raoni.
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