Depuis déjà trois mois, une partie des Français descend chaque semaine dans la rue pour s’opposer à la réforme des retraites. Si la loi est passée – validée en partie par le Conseil constitutionnel le 14 avril -, la mobilisation ne faiblit pas. Les syndicats ont décidé de faire du 1er mai le point d’orgue des manifestations, ces évènements particulièrement ancrés dans la société française dont l’art se perd pour certains.
"La mobilisation n’a pas échoué, nous sommes encore en train de lutter", affirme Cyril Chabanier. Le président de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) appelle à "une grande manifestation pour la fête du travail". Beaucoup de syndicats français et européens sont attendus dans les rangs des manifestants, pour qui le combat continue afin de faire reculer le gouvernement et ne pas voir la loi s’appliquer. Or, depuis plusieurs mois, les médias relaient des images de débordements et des faits de violence à l’occasion de ces mobilisations. Ces tensions mettent-elles en danger ce "art" auquel les Français semblent si attachés ?
Manifester est une liberté reconnue en France et au niveau européen. Pour Nathalie Tehio, membre du bureau national de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), il s’agit d’une "forme de trouble autorisé à l’ordre public, censé se faire sans violence et dans le calme". D’une certaine façon, cette forme d’expression citoyenne perturbe en elle-même l’ordre établi. Mais ce droit est essentiel, il permet de "ne peut pas attendre la prochaine élection pour s’exprimer", selon Nathalie Tehio.
"Manifester ce n’est pas seulement la liberté de dire ce qu’on pense, c’est aussi une façon de dire ce qu’on veut", estime Hélène L'Heuillet, philosophe et psychanalyste. D’ailleurs, ce qui concerne la réforme des retraites, "la volonté générale n’a pas été prise en considération par le gouvernement", observe la philosophe. Cette dernière déplore la vision cathartique des manifestations par le gouvernement : "On a le sentiment que c’est une expression de colère qui doit s’apaiser, mais cela les discrédite et fait monter la violence."
Les images diffusées par les médias depuis des semaines laissent souvent croire à une radicalisation de la mobilisation, à tel point qu’un doute émerge parfois sur la légitimité de celle-ci. Mais Cyril Chabanier le rappelle, "avec la méprise de l'exécutif, on ne peut pas empêcher des personnes de se demander si le seul moyen de se faire entendre est de devenir violent, même si c’est dramatique". Il semble ainsi qu’un cercle vicieux se soit installé, le comportement du gouvernement favorisant cette violence. "Depuis Vichy, il n’y a jamais eu une telle attaque frontale de la part du gouvernement", complète Nathalie Tehio.
Cependant, toute forme de violence n’est pas acceptable. Notamment, les actions des blacks blocs sont perçues comme "inadmissibles" par Cyril Chabanier qui estime qu’il faut "manifester de manière républicaine". Autre violence qui dérange et dont on entend grandement parler : celle de la police. "À la LDH, on ne met pas sur le même pied les violences des manifestants et celles policières, il s’agit là de la réponse de l’État”, indique Nathalie Tehio. Selon Hélène L’Heuillet, "il y a un problème avec la conception française du maintien de l’ordre, la violence policière n’est pas une fatalité".
Manifester, c’est une belle expérience, on croise tout type de personnes, on apprend à se connaître
Malgré tout, "il n’y a pas à considérer que la violence l’a emporté", affirme Hélène L’Heuillet qui voit la manifestation comme "l’expression d’une passion de la liberté, un art qui s'entretient". La mobilisation reste efficace et a tout de même fait évoluer les choses : "Au départ on était sur une retraite à 65 ans et un projet de loi rectificatif sans concertation", tient à rappeler le président de la CFTC.
Les manifestations ont la plupart du temps un côté bon enfant et cela continue encore aujourd’hui. "C’est une belle expérience, on croise tout type de personnes, de catégories socio-professionnelles, on apprend à se connaître", indique Cyril Chabanier avant de conclure : "C’est extrêmement riche d’être dans un cortège !"
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