Des propos hostiles aux migrants, se réclamant d’une "tradition chrétienne" de la France, sont aujourd’hui tenus par des homme politiques dont Éric Zemmour est à l’heure actuelle le plus en vue. Or, ce discours est à l’exact opposé de celui du pape François, en particulier dans son encyclique Fratelli Tutti. Alors que la campagne présidentielle commence à battre son plein et que le souverain pontife vient de lancer depuis l’île de Lesbos un criant appel en faveur d’une véritable hospitalité, plusieurs questions se posent à nous. C'était l'objet du débat enregistré le 7 décembre au Centre Sèvres, l'université des jésuites de Paris, dans le cadre des Mardis d'éthique publique.
Comment sortir de l’opposition : aux réalistes la politique, aux utopistes la morale ? Comment dépasser l’opposition entre la fraternité universelle et le légitime attachement à une identité nationale ? Est-il justifié d’établir une frontière étanche entre ce qui relèverait de la morale et du domaine de la politique ?
Ces trois questions sont au cœur du dossier publié par la revue Projet sur le sur le thème : "François, la fraternité sans frontières ?" Ce dossier a fait l’objet d’un débat enregistré le 7 décembre au Centre Sèvres, à Paris, dans le cadre des Mardis d’éthique publique. Animé par Jean-Luc Pouthier, le jésuite François Euvé et Stéphanie Gallet, rédactrice en chef Culture et Société RCF, il a réuni Véronique Devise, la présidente du Secours catholique - Caritas France, Alain Thomasset, jésuite et théologien, et Véronique Albanel, philosophe et présidente du JRS France.
Benoît Guillou, rédacteur en chef de la revue Projet, dresse un constat. La situation actuelle semble paradoxale. Au sein de la société française, on trouve des catholiques parmi les plus engagés dan l’accueil et la solidarité aux migrants. Parallèlement depuis quelques années, de plus en plus de fidèles s’opposent au pape François sur la question de l’immigration et de la fraternité développée dans Fratelli tutti. Que valent les arguments des détracteurs du pape François ? Le message de l’Évangile peut-il être interprété au gré de chacun, jusqu’à légitimer des arguments radicalement contradictoires ?
On touche à un point faible de nos sociétés : ne rester qu’avec ceux qu’on a choisis. Or, comme le souligne le philosophe Olivier Abel, nous avons besoin du correctif de la fraternité, tant biblique que républicaine, dont la force est d’énoncer la fraternité avec ceux qui tons là et que nous n’avons pas choisis. Dans son dossier, la revue Projet passe au crible les arguments de trois philosophes catholiques souverainistes : Pierre Manent, Rémi Brague et Chantal Delsol. Entre recherche académique et engagement associatif, la revue Projet donne la parole à des intellectuels - un théologien, un exégète et des philosophes - et à des acteurs de terrains.
Dans Fratelli tutti, la parabole du bon Samaritain "sert de fondement spirituel" au pape François, explique Alain Thomasset, et "à toute sa démarche de défense de la fraternité et de toute la vie sociale". Or, cette parabole donne lieu à des lectures parfois très contradictoires : nous dicte-t-elle un comportement personnel ou collectif ? Certains auteurs chrétiens ont contesté son analyse de la parabole, rappelle Alain Thomasset, pour eux elle "dessine avant tout le portrait du Christ" et "ne saurait avoir un impact collectif ou politique", d’après les mots du jésuite.
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