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Migrants : "On joue avec leur vie et on compte les morts"

Un article rédigé par François Mandil - RCF, le 17 juillet 2023 - Modifié le 17 juillet 2023
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"Nous maltraitons des centaines de vies, nous nous asseyons sur les conventions internationales" dénonce François Mandil à propos de la façon dont la France traite les personnes migrantes. Pourquoi ? "Pour des postures électoralistes"...

Migrants sur des bateaux. ©UnsplashMigrants sur des bateaux. ©Unsplash

Il y a quelques jours, le ministre de l’Intérieur et le ministre de la Justice ont tous les deux menti, sans vergogne, sur les plateaux de télé, sur la violence subie par les migrants à Calais. Les images sont là, les témoignages des associations se multiplient, mais tous les deux, sans honte, ont prétendu qu’il n’y avait aucune tente déchirée, aucune confiscation de matériel … C’est affligeant, c’est terrible. Les personnes migrantes sont utilisées pour des postures électoralistes. On joue avec leur vie et on compte les morts.

 

En 1996, à la demande de Jean-Louis Debré, le ministre de l’Intérieur, et sans autorisation d’un juge, plus de 500 CRS avaient ouvert à coups de bélier et de hache, les portes de l’église Saint-Bernard à Paris, pour en expulser 210 étrangers. L’événement avait terriblement marqué l’opinion, elle avait fait la honte de la France à l’international.

Aujourd’hui, nous faisons bien pire, nous maltraitons des centaines de vies, nous nous asseyons sur les conventions internationales. Combien d’évacuations de l’église Saint-Bernard chaque mois ? L’accumulation des morts ne nous fait même plus réagir. Le pape parle de naufrage de civilisation. Il semble être le dernier dirigeant à vouloir être à la hauteur de l’histoire, le dernier à agir en fonction des fameuses racines chrétiennes de l’Europe.

 

Personne n’abandonne son pays, ses amis, personne ne se met en danger de mort pour le plaisir, ni sans de bonnes raisons solides. Ces personnes vivent des drames et sont traitées comme des délinquants. Je ne suis pas à l’aise avec l’argument selon lequel les immigrés rapportent bien plus d’argent qu’ils n’en coûtent : parce qu’ils consomment (et participent donc à la TVA), parce qu’ils sont souvent jeunes et en âge de travailler, qu’il ne faut pas payer leurs études… les migrants sont une force vive. C’est vrai, mais on ne traite pas des humains comme des marchandises. On ne met une valeur commerciale sur des êtres humains.

 

Le parcours pour obtenir des papiers, que ce soit un visa étudiant, un statut de réfugié ou même une naturalisation, sont des parcours du combattant. En y ajoutant le harcèlement policier, les tentes lacérées, les privations de douche ou de nourriture, l’État français ne se comporte pas tellement mieux que les passeurs. Pire, la France jette les migrants dans les bras des passeurs.

 

La peur de l’étranger, le rejet de tout ce qui est différent, est une vieille recette démagogique populiste depuis toujours. Il y a 150 ans, les Parisiens avaient peur de ces hordes de Bretons, forcément délinquants, venus leur prendre leur travail. Alors que nous avons tous et toutes des aïeux migrants (pour ma part, ce sont mes grands-parents paternels), qu’une culture vivante est une culture qui évolue, qui s’enrichit, la campagne présidentielle qui s’engage semble tourner essentiellement autour de ce rejet de l’autre. À l’heure de l’effondrement de la biodiversité et du changement climatique, c’est encore plus désespérant.

 


François Mandil est l'un des 60 signataires de l'appel aux candidats à la présidence de la République lancé par Sant’Egidio et la magazine La Vie après le cri lancé par le pape François depuis le camp de réfugiés de Lesbos, le 5 décembre 2021

 

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