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Soulèvement agricole : deux agriculteurs nous racontent leur quotidien

Un article rédigé par Anthony Bordes - RCF, le 6 février 2024 - Modifié le 6 février 2024
Je pense donc j'agisSoulèvement agricole : deux agriculteurs nous racontent leur quotidien

Les manifestations d’agriculteurs se succèdent en France depuis plusieurs semaines. Malgré les mesures annoncées par le gouvernement, la colère est toujours présente. Voici deux réalités différentes : celle d’un agriculteur qui exerce depuis près de 30 ans dans le Nord, et celle d’une agricultrice fraîchement installée en Normandie. Qu’ont-ils à nous dire sur ce soulèvement agricole ? Une émission Je pense donc j'agis présentée par Melchior Gormand.

Photo d'illustration (c) Anna Shvets / PexelsPhoto d'illustration (c) Anna Shvets / Pexels

L’avenir de l’agriculture reste incertain. L’enjeu est de bâtir un système juste, rémunérant correctement les agriculteurs tout en adoptant une approche écologique et en respectant le climat. C’est une rémunération jugée injuste doublée aux normes environnementales qui ont poussé les agriculteurs à se révolter. Voici le point de vue de deux agriculteurs aux parcours différents.

Nathalie, agricultrice depuis presque 5 ans

C’est en 2019 que Nathalie Aiken décide de créer Les Jardins de Simone à Saint-Pierre de Varengeville, à l’ouest de Rouen. Cette ferme maraîchère a souhaité respecter un format écologique et durable et sur toute l’étendue de ses sept hectares, on ne trouve que du bio. La maraîchère, qui travaillait dans la métallurgie dans sa vie d’avant, est une amoureuse de la nature. En fondant sa ferme, elle a fait le choix fort de suivre ses convictions malgré la situation actuelle. Elle explique : "L’agriculture m’a toujours fortement attirée et je voudrais reconstituer un écosystème tel qu’il était dans le passé". Certifiée bio en 2020, l’agricultrice compte bien ne jamais utiliser de produits chimiques pour son activité. Cet aspect est remplacé par de l’intervention humaine, tout comme les outils mécaniques dont Nathalie Aiken dispose peu. 

Photo de Nathalie Aiken dans sa ferme

Aux Jardins de Simone, la production est éclectique. Nathalie propose plus de 250 types de légumes et fruits : tomates, radis, aubergines et même pastèques, tout y est. La récolte est ensuite principalement commercialisée auprès de restaurants, dans des magasins de producteurs et en vente directe à la ferme. La clientèle est donc 100 % locale. "Les magasins de producteurs vendent aussi bien en agriculture conventionnelle qu’en bio", précise l’agricultrice. Le regret dans tout ce système : les prix des producteurs sont bien plus élevés qu’en grande surface locale.

 

Ce que je reçois de la PAC, c’est dérisoire !

 

Malgré la passion qui anime son travail, la maraîchère connaît des difficultés tout comme d’autres agriculteurs. Nouvelle installée, Nathalie Aiken a été confrontée dès le départ de son activité à la situation délicate de l’agriculture et se retrouve beaucoup dans les revendications autour du bio et de la bonne application de la loi EGalim. "Ce que je reçois de la PAC, c’est dérisoire !", déplore-t-elle. Face à cette situation économique, la maraîchère sait que beaucoup d’agriculteurs ne peuvent pas se lancer dans l’agriculture écologique. Elle garde espoir pour l’avenir, en évoquant la prise de conscience des citoyens sur la question du gaspillage alimentaire et de l’écologie. Elle prend l’exemple de la restauration et des cantines scolaires : "Certains chefs s’obligent à se mettre des règles pour éviter le gaspillage alimentaire, mais d’autres ont des contraintes qui les en empêchent. Il y a une tension permanente entre les obligations et ce que les gens voudraient faire. Lorsqu’un certain nombre d’enfants est absent dans les cantines, c’est impossible de ne pas gaspiller tous les repas qui n’ont pas été mangés".

 

Je pense donc j'agisSoulèvement agricole : deux agriculteurs nous racontent leur quotidien

Thierry Baillet, agriculteur depuis presque 30 ans

Agriculteur depuis près de 30 ans, Thierry Baillet est basé dans le Nord de la France. Sa chaîne YouTube, Thierry, agriculteur d’aujourd’hui compte plus de 100 000 abonnés. Le but ? Montrer son métier au quotidien et expliquer l’agriculture à ceux qui s’y connaissent moins. La ferme familiale de Thierry est conventionnelle, mais elle utilise aussi des méthodes bio qui se rapprochent du maraîchage de Nathalie Aiken. Pour l’agri-youtubeur, c’est surtout une passion au-delà d’un métier : "En y passant beaucoup de temps, on y apprend beaucoup de la nature lorsqu’on est sur le terrain."

Photo de Thierry Baillet dans l'un de ses champs

Thierry fait partie des personnes “qui n’ont pas à se plaindre". Même si la ferme fonctionne bien, elle connaît parfois quelques difficultés et l’agriculteur reste sensible aux problèmes de ses confrères. Il explique notamment : "Il y a des difficultés économiques pour beaucoup d’agriculteurs et cela devient difficile de produire". Il évoque aussi un manque de reconnaissance et l’impression de ne pas être compris et écouté. Un sentiment soulagé grâce au soutien moral des Français ces dernières semaines : "Cela fait du bien aux agriculteurs que les gens nous soutiennent."

 

Il y a des difficultés économiques pour beaucoup d’agriculteurs et cela devient difficile de produire.

 

Pour lui, il est essentiel que les citoyens rencontrent les agriculteurs afin de voir la difficulté du métier. Aujourd’hui, les Français continuent d’acheter en grande surface et Thierry Baillet estime qu’instaurer une pédagogie est important : "Il faudrait que les Français reviennent à une base d’alimentation plus saine en achetant chez les producteurs pour les soutenir". Il sera difficile de les convaincre, tant le pouvoir d’achat est en baisse et les prix bien plus abordables en grande surface.

 


Réformer l'agriculture : un défi pour toute la société

Bâtir une agriculture qui rémunère de manière juste et digne les paysans, tout en préservant le vivant et le climat et en produisant une alimentation saine et de qualité : c'est le défi qui se pose aujourd'hui. Et il apparaît de plus en plus clairement que les agriculteurs seuls ne pourront pas y répondre. C'est toute la société qui est impliquée et doit s'investir dans la nécessaire réforme du modèle agroalimentaire. Écoutez la première partie de l'émission Je pense donc j'agis

Je pense donc j'agisColère des paysans : agriculture et écologie sont-elles conciliables ?
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